Bruxelles, le 10 mai 2007

Rapport Rocard / Monde arabe

Ayant à l’esprit une vision positive et constructive du futur des relations entre l’Union européenne et le monde arabe, le Parlement européen a majoritairement adopté le rapport de l’eurodéputé socialiste français Michel Rocard, intitulé: le monde arabe face aux réformes, le rôle de l’Union européenne: inciter, engager, accompagner

Son rapport analyse la réalité actuelle du monde arabe, et notamment « le malaise », voire « le malheur arabe » qui règne aujourd’hui. Ce malaise rejaillit sur chacun des pays membres de cette vaste communauté. En esquissant une stratégie européenne d’appui à l’évolution  du monde arabe, le rapport souligne l’importance du dialogue interculturel – qui ne signifie pas nécessairement occidentalisation -, mais qui comporte l’acceptation des valeurs démocratiques et de respect des droits de l’homme, comme patrimoine humaniste commun et universel qui transcenderait les dogmes et les communautarismes.

« Dans les pays concernés, le décollage économique ne se produit pas. Une grande pauvreté subsiste partout, même là où il y a du pétrole. Les droits de l’homme sont ouvertement bafoués dans nombre de ces pays, la condition des femmes demeure outrageusement dépendante, le pouvoir a un caractère parfois dictatorial. Ces pays n’ont guère su se réformer pour accompagner l’évolution économique et politique du monde contemporain« , explique Michel Rocard, par ailleurs membre de la commission des affaires étrangères au Parlement européen.

Des signes encourageants apparaissent pourtant. La Ligue des Etats Arabes a adopté une charte arabe des droits humains, qu’elle a confirmée à Tunis en 2004. De plus en plus se fait entendre une opinion publique arabe, largement animée par des médias communs. Les sociétés civiles, longtemps étouffées, commencent à se faire entendre.

Or du côté de l’Union européenne, si le monde arabe fait l’objet de fréquentes allusions, la politique pratique ne connait que des Etats. « Nos échanges, nos déclarations, nos interventions politiques, se limitent généralement à une approche fondée sur les relations bilatérales, voire sous-régionales, comme le sont d’ailleurs nos positions sur le problème irakien, sans que le caractère arabe de ces pays ne soit seulement mentionné« , précise l’eurodéputé.

Dans son rapport, Michel Rocard se demande si cette attitude est pertinente. L’arabité n’est pas d’abord, ou pas seulement, de nature religieuse. Elle a une connotation nationale et évoque un difficile espoir d’unité en même temps qu’un projet culturel. Cette arabité se décline au sein de réalités diverses, tant politiques, que religieuses et sociologiques, mais elle comporte – de façon transnationale – des paramètres communs.

Prendre en considération ce facteur d’arabité pourrait constituer un signe de reconnaissance identitaire de nature à faciliter et intensifier le nécessaire dialogue avec ces pays, actuellement peu nourri.

Le rapport de Michel Rocard suggère dans ces conditions qu’au-delà des relations traditionnelles de caractère étatique – qui doivent être poursuivies – l’Union européenne élargisse ses rapports avec le monde arabe en tant que tel. Cela suppose d’intensifier les relations avec la Ligue des Etats arabes, le Conseil de coopération du Golfe, et même l’Union du Maghreb Arabe si elle venait à être revitalisée. Ce dialogue doit bien sûr porter sur la lutte contre le terrorisme, mais non s’y limiter. Les problématiques du développement, de l’emploi, de la bonne gouvernance et du respect des droits humains doivent y avoir toute leur place, « et ce afin d’aboutir à l’édification d’une véritable zone de paix et de prospérité partagée« .

« C’est dans une compréhension mutuelle améliorée que l’Europe a quelques chances de faire tomber, ou en tous cas, de limiter les préventions qu’elle subit dans le monde arabe où elle est trop souvent considérée comme partisane… »