L’urgence à laquelle sont confrontés les Etats membres de la zone euro appelle un changement de paradigme.

L’heure n’est plus à la coordination, pour cela il est trop tard. L’enjeu actuel est de sauver l’euro, et donc l’Union européenne elle-même, de sauver l’épargne des Européens et leur modèle social. Nous avons besoin d’un saut qualitatif dans la prise de décision politique, d’une prise de conscience pour dépasser les intérêts nationaux de court terme, le trop peu, trop tard.

 

Les solutions techniques que la chancelière allemande Angela Merkel attend avant le Conseil européen du 21 juillet sont utiles, mais elles cachent mal la difficulté à franchir ce pas politique nécessaire. La crise est pourtant née de l’abandon du politique face à l’expertise des banques, des agences de notations et des marchés.

 

Pendant longtemps, les gouvernements ont démissionné devant la technicité de la régulation financière et de la gouvernance économique. Seul un retour de la vision et de la détermination politique, dont avaient su faire preuve le chancelier Helmut Kohl et le président François Mitterrand, permettra de sortir de la crise actuelle.

 

Lorsque la crise de liquidité du secteur bancaire a éclaté, à l’été 2007, les gouvernements ont laissé les experts, à savoir les banques centrales, gérer la situation. Ce n’est qu’à l’automne 2008, lorsque la crise s’est aggravée et transformée en crise de solvabilité, avec la menace de répliques de la chute de la banque américaine Lehman Brothers, que les pouvoirs publics ont pris conscience des enjeux. Ils ont alors tout mis en oeuvre pour sauver, sans conditions, les banques, faisant voler en éclats plus d’un dogme et innovant avec des solutions techniques jamais vues auparavant.

 

Dans le déni

 

Nous sommes aujourd’hui au même point de rendez-vous. La phase durant laquelle l’Eurogroupe a laissé la Banque centrale européenne en première ligne pour gérer la crise de la dette souveraine n’a que trop duré. Comme à l’automne 2008, les responsables politiques doivent prendre des décisions, si peu orthodoxes soient-elles, pour sauver l’euro. Cette fois, ils devraient le faire en mettant sous contrôle les banques et leurs pratiques.

 

Est-il supportable qu’au sein de la zone euro, l’exercice de la solidarité soit plus contraint qu’à l’extérieur ? La Hongrie, la Lettonie et la Roumanie ont été en droit, fort heureusement, de bénéficier d’un programme d’aide de l’Union européenne en association avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à des taux d’intérêt neutres, mais la solidarité entre les membres de la zone euro peut faire l’objet d’un veto et se paye.

 

Les Européens sont coupables d’avoir vécu dans le déni, dans l’idée qu’une monnaie commune pouvait se passer de pilotage de la politique économique. Les gouvernements, qu’ils soient en déficit ou en excédent, n’ont pas pris la mesure de leur coresponsabilité au regard de leur monnaie. Ils doivent aujourd’hui collectivement surmonter la crise. Cela suppose de la confiance mutuelle, qui a malheureusement pâti ces derniers mois d’hésitations et de cacophonie.

 

La réalité, c’est qu’une monnaie unique conduit à une responsabilité conjointe et solidaire. Elle a besoin de règles qui ne peuvent pas être seulement restrictives et rigides, partant de l’idée qu’il suffit que chacun garde sa maison en ordre. Elle a aussi besoin d’un pilote et de solidarité, c’est-à-dire d’union politique et de transferts. Il est temps que les Européens le comprennent.