Sylvie Guillaume, rapporteure.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

une première étape va être franchie cette semaine dans la révision de la directive « procédures ». Notre assemblée sera en effet amenée à se prononcer mercredi sur la proposition révisée de la Commission sur les procédures communes en matière d’octroi et de retrait du statut de réfugié.

 

Cet avis du Parlement européen est essentiel dans le dialogue qui va se poursuivre avec le Conseil dans les mois à venir sur un dossier qui constitue, je pense, la clé de voûte du paquet asile et sur lequel – je le regrette – les discussions achoppent au Conseil. Il servira de base à une nouvelle version de cette directive qui, je l’espère, nous permettra de tenir le délai de 2012 en tant qu’horizon à atteindre pour la mise en œuvre de règles communes en matière d’asile.

 

Le vote de ce rapport intervient alors que l’UNHCR a publié, la semaine dernière, une étude portant sur les 44 pays industrialisés. Celle-ci montre comment, à contre-courant des idées reçues, le nombre de demandeurs d’asile dans les pays riches a globalement diminué de 40 % en dix ans et de 5 % en un an. Une telle information oblige à se demander quelles sont les causes profondes de ce constat. S’agit-il des effets de la diminution des facteurs de départ ou bien du renforcement des contrôles stricts de l’immigration dans certains pays?

 

Ce que montre également ce rapport, c’est que les pays en développement assument aujourd’hui la part la plus importante de la responsabilité de l’asile, alors qu’ils n’ont pas nécessairement tous les moyens pour le faire. L’Europe doit donc prendre sa juste part et, pour cela, se doter de règles claires. Ce qui me ramène à ce dossier sur les procédures d’asile, pour en rappeler les enjeux principaux. Souvent qualifiée de catalogue des pires pratiques nationales, la directive actuelle présente deux inconvénients majeurs. Elle est insuffisamment protectrice des droits des demandeurs, tout en générant de très grandes disparités de traitement dans les États membres.

 

Des divergences majeures persistent en effet entre les différents systèmes d’asile en Europe. Pour ne prendre que deux exemples, le pourcentage de décisions positives en première instance dans les États membres variait, en 2009, de 65 % à moins de 1 %. Le délai pour déposer un recours contre une décision négative en première instance variait de deux à trente jours. Les disparités ne manquent donc pas d’un État membre à l’autre, qu’il s’agisse encore des motifs des procédures accélérées, de l’accès à des entretiens individuels ou à un recours effectif.

 

Or, de telles disparités sont incompatibles avec un régime d’asile commun qui devrait proposer une protection équivalente sur tout le territoire de l’Union. Elles sont en outre contradictoires avec l’une des raisons de l’établissement du règlement Dublin II, qui présume que les systèmes d’asile des États membres sont équivalents. Une harmonisation législative est donc indispensable afin d’assurer, enfin, des procédures justes, accessibles, sécurisées et efficaces.

 

Parce que je les juges incorrectes, je souhaiterais une nouvelle fois répondre à quelques assertions des détracteurs de ce texte, pour lesquels, finalement, cette directive se résumerait presque à des augmentations de coûts et au développement des abus.

 

Ces changements procéduraux engendreront certes, peut-être, des coûts sur le court terme. Mais un peu de lucidité permettrait de voir que c’est plutôt la mauvaise utilisation des procédures insuffisantes sur le plan de la qualité et de la sécurité qui, actuellement, coûte cher aux États membres. Deux indicateurs me serviront de validation: le nombre très important de recours et la longueur des procédures ainsi générées.

 

Je souhaiterais également que l’on sorte d’une vision manichéenne de l’asile, celle qui voudrait qu’il ne soit question que d’abus. Dans un contexte où sont instrumentalisées les questions d’immigration, défendre l’asile en tant que droit fondamental est une obligation. Et si la situation dans le monde arabe veut dire quelque chose aux parlementaires les plus réticents, elle renseignera sur la responsabilité de l’Union européenne d’accorder une juste protection aux victimes de persécutions.

 

Je soutiens donc l’approche de la Commission qui vise à améliorer les procédures de première instance, le front-loading, car une prise de décision de qualité en première instance sera autant bénéfique aux victimes de persécutions qu’elle permettra aux autorités compétentes de prendre des décisions solides, d’améliorer la motivation des décisions négatives et de réduire ainsi le risque de leur annulation par les instances de recours, de mieux identifier les cas de demandes infondées ou abusives et de réduire les frais d’accueil des États membres, tout en soutenant leurs efforts pour faire quitter le territoire aux demandeurs réellement déboutés.

 

Quelques mots, enfin, sur une série de points essentiels qui permettront – je l’espère – à ce rapport d’avancer maintenant. Tout d’abord, le droit à une assistance juridique gratuite en première instance est, selon moi, une garantie essentielle pour l’amélioration de la qualité des décisions. Deuxièmement, une meilleure prise en compte des demandeurs vulnérables, catégorie de personnes sur laquelle la directive actuelle est complètement muette.

 

Troisième enjeu: les délais de recours plus ambitieux qui renforcent le droit à des recours effectifs; des garanties plus importantes dans le cas de procédures accélérées, notamment une réduction de leurs motifs ou encore la fixation de délais raisonnables. Et sur les concepts de pays sûrs, nous demandons l’adoption d’une liste européenne commune en codécision, comme la Cour de justice l’a préconisé en 2008.

 

En conclusion, l’adoption finale de ce rapport devrait constituer un signal fort du Parlement envoyé au Conseil et à la Commission. Les lignes rouges du Parlement sont, selon moi, fixées et le curseur placé du côté de la recherche d’une harmonisation à la hausse des standards de protection, ce dont nous devons nous réjouir, Mesdames et Messieurs.

 

(Applaudissements)

 

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Sylvie Guillaume, rapporteure. Monsieur le Président, je voulais d’abord dire merci pour toutes les interventions, enfin presque toutes. Mme Hohlmeier est partie, mais j’espère que quelqu’un lui dira que je ne désespère pas de la convaincre que les ressortissants tunisiens ne font pas de demande d’asile dans l’Union européenne et que, par conséquent, il y a peu de raisons qu’ils en fassent une deuxième successive.

 

Deux petites choses pour terminer, qui me semblent toutefois un peu essentielles. Je voudrais insister sur le fait que l’objectif poursuivi n’est pas de dresser les États membres contre le principe d’une harmonisation par le haut, au contraire. Je peux comprendre qu’il y ait un certain nombre de résistances, de réticences, mais je veux aussi qu’ils comprennent qu’il y a tout à gagner en investissant dans des procédures de première instance correctes et efficaces. Et les réformes proposées vont dans cette direction.

 

La seconde dimension essentielle, pour conclure, c’est d’affirmer que le rôle du Parlement est important. Nous sommes colégislateurs. La Commission européenne a indiqué à plusieurs reprises qu’elle souhaitait que nous ayons un avis tout à fait fondamental pour la suite qui sera donnée à cette procédure. Eh bien, nous aurons mercredi l’occasion d’affirmer haut et fort nos priorités pour de réelles procédures harmonisées dans ce domaine.