Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire,

la commission de l’emploi et des affaires sociales a voulu joindre une question orale sur l’enjeu des délocalisations, notamment des multinationales, à l’examen de ces deux demandes d’utilisation du Fonds d’ajustement à la mondialisation car, dans le cas irlandais, nous nous sommes rendus compte des difficultés ou des contradictions qui pouvaient apparaître dans l’utilisation d’un tel fonds. À aucun moment, aucun des membres de la commission de l’emploi et des affaires sociales n’a voulu prendre en otage les travailleurs irlandais ou menacer de ne pas venir en aide aux travailleurs irlandais qui sont aujourd’hui dans une situation critique du fait de la stratégie industrielle et de la délocalisation de Dell.

Nous avons simplement constaté que, dans ce cas d’espèce, alors que le président Barroso annonçait, le 19 septembre, l’octroi d’une aide de 19 millions d’euros, dont nous débattons ce soir, à l’entreprise Dell, ou plutôt aux travailleurs licenciés de Dell pour les aider à assumer la période de reconversion qui est devant eux, le même jour, à New York, l’entreprise Dell rachetait Perot Systems, ce qui lui permettait d’augmenter le cours de son action en bourse. Quelques jours plus tard, le 23 septembre, la commissaire Neelie Kroes autorisait une aide d’État de plus de 54 millions d’euros à l’installation d’une usine de Dell en Pologne.

Sur cette base, nous avons interpellé à la fois le commissaire Špidla et la commissaire Neelie Kroes. Dans une longue lettre, ils nous répondent qu’eux-mêmes avaient envisagé le fait que Dell aurait deux sites de production pour approvisionner le marché européen. Or, ce que je constate, c’est qu’une fois que Dell a renoncé à l’un de ces sites de production, nous n’avons rien changé quant à l’évaluation globale de la stratégie de Dell.

Et que constate-t-on? C’est qu’au sein de l’entreprise Dell, aucune des législations européennes dont nous parlons couramment, s’agissant du droit des travailleurs ou du droit des syndicats, n’est respectée. Il y a donc une vraie difficulté à voir le budget de l’Union européenne être utilisé, au bout du compte – à un moment où nous connaissons la difficulté de la procédure budgétaire, la difficulté de financer le plan de relance – pour aboutir à ce paradoxe de favoriser l’augmentation du taux de retour sur investissement des actionnaires américains et conduire, au sein de l’Union européenne, des travailleurs irlandais à se trouver confrontés au sort des travailleurs polonais. Ce n’est certainement pas la philosophie que nous avons défendue quand nous avons défendu la mise en œuvre du Fonds d’ajustement à la mondialisation.

Ce n’est sans doute pas la seule responsabilité du commissaire Špidla, mais je crois que ce cas nous oblige à regarder de très près les conditions dans lesquelles le budget communautaire est mobilisé pour venir en aide aux stratégies de grandes entreprises. Nous le voyons d’autant plus que, dans le plan de relance qui a été élaboré sous la responsabilité de l’actuel président de la Commission, M. José Manuel Barroso, l’une des mesures phares qui était annoncée s’agissant de l’emploi, c’était la priorité au maintien de l’emploi des travailleurs lorsque ceux-ci possédaient un emploi.

La Commission ayant été avertie de la stratégie de Dell sur l’existence de deux sites, lorsque le cas de figure d’une situation alternative entre ces deux sites s’est présenté, il me semble qu’une stratégie plus proactive de sa part aurait dû conduire à une négociation avec l’entreprise Dell pour une transformation du site en Irlande, étant entendu que la stratégie de l’entreprise a été de transformer un site d’ordinateurs de bureau, tel qu’il existait en Irlande, en un site d’ordinateurs portables, tel qu’il est actuellement installé en Pologne. Il nous semble que, si la Commission vient en aide à des multinationales dans un cas de figure de ce type, nous devrions avoir droit à la parole de manière plus cohérente.

Je crois que l’ensemble de cette réflexion doit conduire la prochaine Commission, et notamment M. Mario Monti, dans la mission qui lui a été confiée, à élaborer des propositions beaucoup plus proactives sur la façon dont nous utilisons l’argent communautaire au moment où nous avons à faire face à des délocalisations qui, une fois encore, dressent des salariés, des employés d’un État membre contre ceux d’un autre État membre, tout cela dans une stratégie de multinationale qui ne respecte pas l’esprit du droit social, tel que nous souhaitons le mettre en œuvre autour du concept d’économie sociale de marché.

Monsieur le Président,

je voudrais rassurer mon cher collègue, M. Crowley. Aucun membre de la commission de l’emploi et des affaires sociales n’a mis en doute l’efficacité, l’utilité du Fonds d’ajustement à la mondialisation. Nous pensons simplement qu’il y a moyen de l’optimiser.

Je voudrais également rebondir sur un des propos du commissaire, lorsqu’il nous a indiqué, tout à l’heure, qu’il fallait éviter le shopping à la dotation des fonds. Et c’est bien justement le problème auquel nous sommes aujourd’hui confrontés.

Lorsque, j’imagine, vous préparerez votre succession sur ce dossier, que direz-vous au prochain commissaire en charge du Fonds d’ajustement à la mondialisation? Car, dans le cas d’espèce de Dell, nous voyons bien qu’il y a un risque de détournement de la procédure et d’abus de l’utilisation des fonds communautaires et des autorisations données dans le cadre de la politique de la concurrence.