Pervenche Berès, rapporteur. − Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, après vingt mois de travaux, la commission CRIS va mettre fin à son travail, et pourtant la crise n’est pas terminée. À cette occasion, je tiens vraiment à remercier les collègues et à saluer le travail collectif que nous avons pu mener et la confiance que vous m’avez accordée.

Nous concluons nos travaux à un moment où le paquet de gouvernance économique est bloqué, à un moment où les marchés financiers ont repris trop de leurs mauvaises habitudes, y compris en termes de distribution de bonus, et à un moment où les États membres voient leur sort suspendu à la notation que leur octroieront les agences de notation. C’est un contexte difficile, et c’est la raison pour laquelle nous vous demandons, Monsieur le Commissaire, de lancer un audit de la dette publique.

Dans ce rapport, je crois que nous avons rempli notre mandat. Nous disons qu’il nous faut plus d’Europe. Ce message peut paraître bizarre dans certaines capitales tant on a, aujourd’hui, l’impression que les capitales se méfient de l’Europe, justement parce que, parfois, elle a donné l’impression d’agir trop peu et trop tard.

Nous, nous disons que cette intégration, nous en avons besoin. Monsieur le Commissaire, il y a huit mois, en octobre 2010, nous vous proposions ici une taxation des transactions financières à l’échelle européenne. Huit mois plus tard, vous l’avez mise en œuvre. Il y a huit mois, nous vous proposions aussi la création d’un « Monsieur Euro » et, aujourd’hui, M. Jean–Claude Trichet propose un ministre des finances, même si le mandat qu’il définit pour celui–ci n’est pas ce que nous souhaiterions.

Alors, écoutez–nous et n’attendez plus; mettez en œuvre les autres propositions que nous formulons, comme celle d’une mutualisation de la dette. Dans le cas grec, on nous avait dit « pas d’aide à la Grèce », et puis on a aidé la Grèce. On nous avait dit « pas de mécanisme permanent », et le mécanisme va devenir permanent. Alors aujourd’hui, nous vous disons « Allez plus loin, mutualisez la dette. Mettez en place une agence publique de notation, mettez en place un Trésor européen ».

À l’échelle internationale, nous avons besoin que l’Europe, bien sûr, parle d’une seule voix. Nous avons besoin de mettre en place une vraie gouvernance économique européenne. Cela suppose d’intégrer les institutions de Bretton Wood et le G20 dans le système des Nations unies; cela implique de se battre aussi pour qu’à l’échelle du commerce international, nous ayons un échange juste, basé sur la réciprocité. Cela suppose aussi que, pour l’Union européenne, nous menions des politiques en cohérence et pas, comme ici, en adoptant des objectifs ambitieux sans cadre pour la stratégie Europe 2020 et, par ailleurs, en élaborant des plans d’austérité qui interdisent la réalisation de ce que nous définissons comme notre stratégie de sortie de crise.

Pour cela, avec ce rapport, nous vous proposons, oui, la règle d’or pour les dépenses d’éducation; nous vous proposons de mettre en place, enfin, cette Communauté européenne de l’énergie qui fera vivre le concept de solidarité parmi nous. Nous vous proposons aussi de vous pencher, enfin, sur la question de la gouvernance des entreprises. Qu’attendez–vous pour imposer que nos entreprises, qui se disent socialement responsables, rendent des comptes sur ces responsabilités sociales et environnementales?

Dans le domaine de la gouvernance économique, nous le savons, il faudra aller plus loin en matière de supervision, et nous vous invitons à regarder ce qu’est une allocation optimum de capitaux. Aujourd’hui, vous voulez revenir à la stabilité des marchés financiers. Ce n’est pas assez, car la stabilité des marchés financiers, c’était la situation, soi–disant, que nous avions avant août 2007, et on a vu où cela nous a menés.

Derrière la stabilité, il faut aussi regarder où vont les capitaux, en quoi ils sont utiles, car ce n’est pas une industrie. C’est un service au service de l’industrie; c’est justement le paradoxe que vous devez résoudre.

Nous vous demandons aussi de regarder les modèles d’entreprise dans le secteur bancaire, car peut–être y a–t–il là un sujet à creuser.

Pour tout cela, nous aurons besoin de davantage de budget, et nous vous disons que, si nous ne parvenons pas, ensemble, à une révision des traités qu’il faudra engager, alors au sein de la zone euro, chacun devra prendre ses responsabilités et aller de l’avant par la voie de la coopération renforcée.

Nous espérons que nous pourrons progresser, ensemble, sur cette voie que nous vous proposons et qui ressemble à une nouvelle donne pour l’Union européenne.

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Pervenche Berès, rapporteure. − Monsieur le Président, à cette heure très tardive, je tiens à dire un grand merci. Merci à l’ensemble de mes collègues – je ne vais pas tous les citer, mais je mentionnerai tout de même le président, les coordinateurs, les rapporteurs fictifs et tous ceux qui ont contribué à ce travail.

Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, la balle est maintenant dans votre camp – nous vous faisons des propositions –, saisissez-la! Monsieur le Commissaire, je me réjouis que vous mettiez en œuvre certaines des propositions que nous avons déjà formulées. Aujourd’hui, je vous demande un engagement, le premier sur la longue liste de cette feuille de route que nous avons définie: mettez en place l’audit de la dette publique des États membres de l’Union européenne. Nous en avons besoin pour savoir comment agir demain.

Puis, je tiens à rappeler l’objectif de ce rapport que nous avons élaboré ensemble: c’est que ceux qui sont victimes de cette crise ne soient pas ceux qui la paient. Notre objectif est de rétablir la souveraineté du politique, la souveraineté des citoyens face aux marchés. Cela s’appelle la démocratie!

Certains s’interrogent: ne faudrait-il pas mettre en œuvre des groupes de Sages? On a même essayé de le faire. Je vous le dis: la sagesse vient de ceux qui voteront, je l’espère, massivement, ce rapport et qui, ensuite porteront les propositions qu’il contient pour qu’elles deviennent réalité.