Pervenche Berès, au nom du groupe S&D. Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, au fond je me demande pourquoi vous avez souhaité faire cette déclaration. En effet, vous concluez votre intervention en disant: « Au fond, nous sommes aujourd’hui totalement mobilisés par la réforme de la gouvernance économique et la question de la représentation externe de la zone euro se posera plus tard. »

 

Permettez-moi de ne pas partager votre approche car l’une des principales difficultés que connaît aujourd’hui l’Union européenne est la question de la représentation externe de la zone euro. Nous voyons bien que la guerre des monnaies peut aujourd’hui, d’un revers de main, balayer tous les efforts qui sont demandés aux peuples dans la zone euro au titre de l’austérité et du rétablissement des situations des dettes souveraines. Les Européens ne peuvent donc pas à la fois être totalement exigeants à l’intérieur et se désintéresser de la question de la place de leur monnaie, baladée au gré des marchés sur la scène extérieure. Il n’y aura pas une défense intérieure s’il n’y a pas une défense extérieure.

 

Permettez-moi donc de ne pas partager votre approche sur ce point. Je sais que la tâche est difficile mais le Parlement européen, depuis maintenant plusieurs années, soutient l’idée que nous devons aller vers une représentation externe de la zone euro, et notamment au sein du FMI.

 

Lorsque Dominique Strauss-Kahn a été désigné comme responsable du FMI, nous étions dans un contexte – reconnaissons-le – très différent, où était évoquée la question de l’alternance – il l’avait dit lui-même: « Peut-être serai-je le dernier Européen à la tête du FMI ». Or, depuis, la situation a considérablement changé. L’espace où l’intervention du FMI est déterminante aujourd’hui est l’Europe. Nous voyons que derrière ces interventions, la question de l’intervention des grandes banques d’investissement américaines n’est pas neutre. Nous voyons aussi que la question de la situation économique américaine pourrait, tôt ou tard, être soulevée et être légitimement débattue au sein du FMI.

 

Tout cela dresse un paysage beaucoup plus complexe que la question de savoir s’il faut que ce soit un tel ou une telle qui préside aux destinées du FMI. Bien sûr, les Européens doivent avoir leur représentation, ont vocation à être acteurs dans une des grandes institutions mais, plus fondamentalement, les questions que je vous pose sont: quelle est la politique que nous voulons mettre en œuvre sur la scène internationale? Quel est le mandat qu’un Européen doit porter sur la scène internationale, compte tenu des efforts internes, du poids des marchés en dehors de l’Union européenne et de son impact à l’intérieur de la situation européenne en termes d’investissement, de spéculation, d’emploi?

 

Nous pensons aussi que, quelle que soit la personne qui, demain, présidera aux destinées du FMI, une grande tâche attend ce responsable, celle de ne pas détruire les avancées qui ont été mises en œuvre par Dominique Strauss-Kahn lorsqu’il a fait un tout petit peu bouger les lignes de ce qu’était le consensus de Washington. On le voit aujourd’hui déjà: un durcissement s’opère au sein de l’institution; nous pensons que ce serait une mauvaise trajectoire.

 

Finalement, la question de la place du FMI dans le système des Nations unies devra aussi être posée et les Européens, s’ils ont un candidat ou une candidate, doivent articuler le mandat qu’ils lui donneront pour peser en faveur d’une gouvernance mondiale qui soit à l’aune des défis qui sont devant nous au lendemain de cette crise.

 

Pervenche Berès (S&D). Madame la présidente, je trouve que, dans ce débat, il y a quand même une chose très paradoxale. Au fond, entre la Banque mondiale et le FMI, il faudrait surtout que rien ne bouge. C’est nous, Européens, qui avons intérêt à ce que le multilatéralisme fonctionne. Et le multilatéralisme ne fonctionnera pas avec simplement des émergents associés ici ou là, au G20 ou ailleurs. Nous devons vraiment poser la question en dynamique, en perspective. Et je trouve assez paradoxal qu’au moment où il y a une mobilisation en urgence pour désigner une Européenne à la tête du FMI nous ne soyons pas exemplaires, en tant qu’Européens, pour dire, Monsieur le Commissaire, c’est une étape sur la question de la représentation externe de la zone euro.

 

Pourquoi êtes-vous si pressé, si acharné à désigner une Européenne si ce n’est pas pour, en même temps, franchir cette étape dont vous nous dites qu’elle n’est pas urgente et qu’elle pourrait être pour demain. Si nous voulons faire vivre le multilatéralisme, alors nous devons nous-mêmes être exemplaires, être cohérents et montrer combien cela peut fonctionner demain. Car, à l’échelle de la gouvernance mondiale, le FMI a un rôle absolument majeur, qui ne se limite pas à la question de la dette européenne et des situations des dettes souveraines des Européens en difficulté. C’est une tâche essentielle, mais le rôle du FMI est aussi, au-delà de la stabilité des marchés, de contribuer à la correction des déséquilibres mondiaux qui ont conduit à cette crise.

 

Et aujourd’hui, on voit bien qu’il y a une question de gouvernance absolument fondamentale que vous ne mettez pas du tout dans la balance, dans la façon de promouvoir ou non telle ou telle candidature. Or, c’est cela qui nous intéresse, nous, les socialistes, c’est que le FMI joue un rôle au sein de la gouvernance mondiale pour corriger les déséquilibres ayant conduit à cette crise.

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