Monsieur le Président, mes chers collègues,

demain, 24 mars, sera une journée symbolique. Elle sera tout d’abord marquée par la modification du traité de Lisbonne que nous venons de voter, afin de permettre l’instauration d’un mécanisme européen de stabilité permanent. Ce mécanisme offre de fait la possibilité à l’Union de concevoir des embryons d’eurobonds afin de financer les dettes souveraines à bas taux en cas d’attaques spéculatives.

Il est, à cet égard, dommage que l’on se soit arrêté à mi-chemin. Face à l’exubérance irrationnelle des marchés, la révision du traité aurait dû être l’occasion d’autoriser la Banque centrale à racheter de la dette publique en cas de tension sur les taux, comme cela se fait aux États-Unis. Le verre est d’autant moins rempli que la contrepartie exigée est la mise en œuvre du pacte de compétitivité – rebaptisé pacte pour l’euro. C’est le deuxième symbole de la journée de demain. Ce pacte est défendu de concert par le Conseil, la Commission et la BCE.

Mes chers collègues, vous connaissez tous le consensus de Washington , vous avez adoré! Eh bien, le 24 mars consacre la naissance du consensus de Bruxelles. Le consensus de Bruxelles, c’est l’application brutale et sans discernement du dogme néolibéral: réduction du périmètre des services publics et de l’État social, austérité salariale, régulation minimale des marchés financiers.

Mes chers collègues, le Conseil, la Commission et la BCE ont la mémoire courte. Ils nous proposent de transposer le pacte pour l’euro dans le paquet gouvernance pour institutionnaliser des politiques qui, précisément, ont été à l’origine de la crise. En Espagne, dans les pays anglosaxons et ailleurs, la montée de l’endettement des ménages, alimentée par l’industrie financière, n’a d’autre cause que la crise du pouvoir d’achat résultant de la modération salariale qui sévit depuis vingt ans. Le pacte pour l’euro propose malheureusement de pérenniser l’austérité salariale.

Quant à l’endettement public, partout, outre qu’il soit la conséquence de la crise, il est aussi la conséquence d’inutiles baisses d’impôt prônées par les libéraux et les conservateurs. Il n’y a pas eu d’explosion des dépenses publiques en Europe, bien au contraire. L’austérité budgétaire et salariale, combinée à la hausse des taux d’intérêt d’ores et déjà programmée par la Banque centrale européenne, finira par tuer la demande intérieure européenne, tuer la reprise sans réduire les déficits. Nous serons demain aux côtés des salariés qui manifesteront contre ce consensus de Bruxelles, c’est le troisième symbole de la journée du 24 mars. Si l’on ne veut pas voir revenir les forces brunes contre lesquelles l’Europe s’est construite, les élus du peuple doivent être avec le peuple pour dénoncer des politiques aussi injustes qu’inefficaces