ACTA, 20/10/2010

Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues,

Nous sommes à l’évidence devant un texte dont la complexité trouble beaucoup d’entre nous, et encore plus à mon avis les citoyens européens. J’avais demandé de la transparence sur l’ACTA, Monsieur le Commissaire vous y avez répondu, je me retrouve aujourd’hui avec de l’inquiétude…

En effet, le principal risque selon moi, au-delà des questions purement techniques, est celle du chemin sur lequel nous nous engageons dans ce qui relève de cette relation de plus en plus complexe entre les libertés individuelles et l’internet. Le monde change rapidement, et nous sommes tous conscients de la révolution qui s’opère dans l’accès à l’information, mais aussi à la culture, via cet outil. Dans ce monde de l’immédiateté et de la gratuité, les repères traditionnels sont bouleversés. Notre tâche la plus complexe est donc de définir de nouvelles régulations, car une régulation est nécessaire, non seulement pour protéger les artistes et les détenteurs de droits, mais je voudrais aussi qu’on ne fasse pas fi des libertés individuelles.

En matière de protection des libertés, et de la première d’entre elle qu’est la protection de la vie privée, l’une de mes principales préoccupations concerne la possibilité, offerte par ACTA, de contrôler aux frontières les effets personnels et les bagages des voyageurs. Est-ce que cela signifie que nos téléphones portables, nos lecteurs MP3, nos ordinateurs, pourront être fouillés par des douaniers à la recherche de fichiers téléchargés illégalement ? Selon la Commission, il ne s’agit que d’une possibilité, car le terme exact utilisé dans le texte de l’ACTA n’est pas contraignant : il est dit que les Etats peuvent choisir d’autoriser ou pas la fouille des bagages personnels. Mais soyons sérieux un instant, comment voulez-vous qu’une telle formulation ne soit pas perçue comme une incitation à procéder à ces contrôles ? Pensez-vous réellement qu’un gouvernement, pour peu qu’il soit un peu poussé par son industrie du disque, et je prends volontairement cet exemple, ne saisira pas cette possibilité offerte par ACTA pour faire évoluer sa législation nationale vers plus de contrôle des passagers entrant sur son sol ?

Autre problème : s’il est prouvé que les fichiers détenus par une personne privée sont voués à un usage commercial, la répression est automatique. Mais qui détermine la nature commerciale ou  non des fichiers que nous détenons ? Certains diront peut-être qu’une personne possédant 500 chansons sur son lecteur MP3 a forcément des visées commerciales, mais pourquoi d’autres se priveraient-ils de fixer cette limite à 300, ou 100, 50, 10 ? Pour une personne mal intentionnée, il suffit en réalité d’avoir un seul film téléchargé illégalement pour en faire des milliers de copies et transformer cela en activité commerciale. Au final, le contrôle se fera par les juges de chaque pays, mais si un citoyen européen se fait arrêter par la douane d’un pays signataire sur la base d’une législation particulièrement contraignante, il n’aura aucun moyen de la contester.

Souhaitons-nous vraiment qu’une telle dérive soit possible ? N’était-il pas de la responsabilité de la Commission, dans ces négociations, de justement tout faire pour que l’accord interdise la fouille des effets personnels?

Je n’évoque volontairement que cette question ce soir, mais il en existe bien d’autres, que vous avez évoquées et que nous détaillerons dans la résolution que j’ai demandée et qui sera votée normalement le mois prochain en plénière. Et vous demande, Monsieur le Commissaire, de prendre en compte ce qui sera l’issue de ce vote, conformément à votre engagement, c’est-à-dire prendre en compte la parole du Parlement avant de signer l’ACTA.