Vincent Peillon, rapporteur. − Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, nous avons parlé tout l’après-midi de sujets comme le Yémen ou les droits de l’homme, et nous aurions aussi pu parler du conflit israélo-palestinien, autant de sujets qui sont au cœur du rapport sur la stabilité dans la zone du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN). Ce rapport est certes un peu dense, mais il accompagne la volonté de la Commission de donner une ligne stratégique à l’action de l’Europe dans cette région.

Nous avons été obligés, dans ce rapport, de passer en revue tous les différents sujets: la Syrie, la Libye, l’Iraq, le Yémen, la Tunisie, la lutte contre le groupe « État islamique ». En même temps, ce n’est pas dans l’accumulation de cas particuliers que nous avons cherché à dégager une ligne stratégique précise et à long terme. Les principes que nous avons adoptés dans ce rapport sont d’abord des principes de responsabilité. Il n’y aurait rien eu de pire, pour nous, Parlement européen, que de nous diviser en relevant ce défi, alors que notre Sud est déjà dans l’état que nous voyons et notre impéritie avérée. Nous avons donc recherché en permanence à nous écouter les uns les autres et à trouver un consensus.

De ce point de vue-là, je tiens vraiment à remercier très chaleureusement l’ensemble des rapporteurs fictifs, Mme Mănescu pour le PPE, M. Nart pour les libéraux, M. Belder, M. Smith pour les Verts, M. Iglesias, M. Permuy, M. Castaldo, Mme Vergiat.

Quelles que soient les orientations politiques, à part ceux qui sont franchement anti-européens, nous avons cherché à construire une position commune, responsable et qui puisse être entendue.

Les principes qui nous ont guidés sont les suivants, et sachez qu’il n’a pas été simple de les définir. Premièrement, ne pas considérer que le défi de la sécurité doit se résumer à la sécurité elle-même. Bien entendu, nous devons relever ce défi, et il n’y a aucune excuse au terrorisme, ni économique ni sociale. Il a des fondements idéologiques. De ce point de vue d’ailleurs, nous assumons nos responsabilités en demandant un renforcement et une meilleure coordination de l’action sécuritaire de l’Europe. Mais en même temps – c’est la ligne stratégique que nous voulons adopter – nous savons que la paix et la stabilité ne pourront revenir que si nous traitons les causes à long terme: la question démocratique et celle des droits de l’homme, que nous venons d’aborder, la question économique et la question sociale.

Sur les trois parties du rapport, deux sont consacrées à la question économique et sociale, à la question démocratique et à celle des droits de l’homme. C’est ce qui nous a permis de trouver un consensus, dans un équilibre où il n’y aurait pas une seule cause, mais des actions multifactorielles. Oui, nous devons intervenir sur la question sécuritaire, nous devons renforcer l’action de l’Europe, nous devons prêter assistance aux États, nous devons mieux aider à surveiller les frontières, nous devons bien entendu faire tout ce que nous pouvons pour former ceux qui doivent assurer la sécurité sur notre flanc sud et en même temps, nous devons déployer des actions économiques et sociales.

La deuxième ligne fondamentale de ce rapport est assez nouvelle et structure l’ensemble de la démarche. C’est d’admettre que l’Europe ne peut pas – comme elle a un peu tendance à le faire, on l’a entendu dans les débats précédents –  espérer résoudre à elle seule tous les problèmes, en Syrie, en Iraq, au Yémen, par un certain nombre d’invocations ou d’ingérences.

Ce rapport repose sur un équilibre entre la volonté d’avoir une action concertée, à long terme, cohérente et, en même temps, de nous appuyer, d’une part, sur les États, mais aussi sur tous les instruments multilatéraux qui existent, en particulier dans le Sud.

Pour conclure, Madame la Présidente, je crois que sur ces deux aspects, nous avons trouvé une stratégie et nous avons réussi à nous rassembler autour de l’idée que l’Europe doit être davantage présente pour mener une action plus résolue.

Vincent Peillon, rapporteur. − Monsieur le Président, tous ceux qui pourraient penser qu’on peut se désintéresser de notre Sud se trompent. Le problème de la stabilité au Sud, c’est aussi le problème de la stabilité chez nous, et tel que nous l’avons abordé, le problème du développement économique, social, humain et démocratique du Sud aura évidemment des retentissements en Europe.

Ceux qui rêvent de faire de l’Union européenne une forteresse seront démentis par l’histoire. Cela n’a pas été comme cela dans le passé, ce n’est pas comme cela dans le présent, ce ne sera pas comme cela dans l’avenir. Nous avons donc, dans notre intérêt propre à nous soucier du Sud.

En ces temps de crise en Europe avec la question grecque, avec le Conseil sur les migrants, il y a quand même un élément d’optimisme dans le travail que nous avons fait, car nous avons évité un certain nombre de banalités ou de répétitions. Nous avons essayé de construire ensemble, et j’en remercie encore les différents rapporteurs fictifs, une vision stratégique commune.

Bien sûr, l’Europe peut se reprocher des choses, mais l’instabilité de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord n’est quand même pas l’unique responsabilité de l’Europe. Et l’Europe est attendue.

J’ai entendu certains dire que l’Union européenne doit avoir sa propre politique, mais ce sont les mêmes qui s’opposent à une politique étrangère et de sécurité commune. La solution, c’est qu’il y ait davantage d’Europe et qu’on accepte une politique étrangère commune. Ce n’est pas encore tout à fait le cas et on voit bien que dans cette zone aussi, un certain nombre d’États européens jouent leur propre partition. Il n’y a pas de politique étrangère commune sans politique de sécurité commune.

Nous avons élaboré ce rapport dans le respect de nos principes et en tenant compte de la multiplicité des facteurs que nous avons évoqués. C’est pour cela que nous devons soutenir les initiatives de la haute représentante et de la Commission. D’abord, plus de générosité envers les migrants. Ce qui a été fait est insuffisant. Le président Juncker l’a rappelé ce matin. Il a raison: nous ne nous en sortirons pas comme cela.
Deuxièmement, il faut évidemment davantage d’initiatives politiques et donc de cohérence entre nous. Ce rapport est une modeste contribution, mais nous avons relevé le défi de trouver une pensée commune. Si nous voulons agir ensemble, nous devons d’abord penser ensemble, être intelligents collectivement et définir une stratégie ensemble. Je crois que le résultat est plutôt positif. J’en suis très reconnaissant à tous ceux qui ont collaboré à ce travail, quelle que soit leur place sur l’échiquier politique.