L’UMP est docile au Parlement européen sur la directive service

 

 

Strasbourg, le 30 novembre 2005

 

Directive services /

 

 

 

Par un communiqué daté du 30 novembre 2005, la délégation UMP au Parlement Européen nous accuse de « mauvaise propagande » sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur (dite directive Bolkestein).

 

Le premier élément important à rappeler est le suivant: les députés socialistes français au Parlement Européen ont déposé et voté dans la commission du Marché intérieur un amendement de rejet de l’ensemble de la directive. Nous allons répéter cette démarche lors du vote en séance plénière.

 

En ce qui concerne le vote sur la directive services en commission de l’emploi et des affaires sociales, l’UMP cherche à maquiller le résultat du vote qui était sans ambiguïtés. Cette commission a largement rejeté (32 voix pour, 6 voix contre, et 9 abstentions) la directive Bolkestein dans sa version initiale. Le champ d’application est réduit pour exclure les services d’intérêt général, ainsi que le droit du travail et les conditions de travail. De même, la rapporteure Anne Van Lancker a exclu les soins de santé et le secteur audiovisuel. Autant de restrictions du champ d’applications qui ont été reprises lors du vote en Commission marché intérieur, et dont l’UMP n’oublie pas de s’approprier la paternité. Quant au principe du pays d’origine, il n’a pas été maintenu en commission Emploi, mais au contraire soumis à une harmonisation préalable. Le texte voté a complètement vidé le PPO de son contenu: selon ce rapport, le PPO n’est applicable qu’au cas où il y a une harmonisation minimale au niveau européen, ou s’il existe dans chaque Etat membre des règles similaires.  Là où cela n’est pas le cas, les Etats membres de destination déterminent les conditions d’accès et d’exercice du service. Cette stratégie d’Anne Van Lancker était complémentaire de celle d’Evelyne Gebhardt.

 

Pour éliminer le principe du pays d’origine (PPO), Evelyne Gebhardt a suivi deux stratégies: d’abord elle a défendu la thèse de l’harmonisation et de la reconnaissance mutuelle entre Etats membres sur un niveau élevé de qualité de service pour remplacer le PPO.

A la suite des travaux en Groupe socialiste européen Evelyne Gebhardt a présenté une nouvelle proposition qui représente une alternative claire au PPO : distinguer ce qui concerne l’accès à une activité de service qui serait régi par le principe du pays d’établissement, et ce qui relève de l’exercice d’une activité de service qui serait régi par le principe du pays de destination. Cela permet à une entreprise légalement établie dans un Etat membre de l’Union d’aller prester un service dans un autre Etat membre. Mais quand elle preste ce service, elle est soumise au droit du pays dans lequel elle opère et non plus au droit du pays d’origine. Ainsi Evelyne Gebhardt avait définitivement exclu le PPO (au profit du principe du pays de destination) pour tout exercice d’une activité de service, tout en garantissant l’existence d’un marché intérieur des services. Ce compromis a été rejeté par 21 voix contre, 16 pour et 3 abstentions.

La commission IMCO a donc voté en faveur la proposition du PPE basée sur le principe d’origine pour qu’il s’applique « au comportement du prestataire, à la qualité ou au contenu du service, aux normes et aux certifications ».

 

Les députés UMP se félicitent d’avoir exclu les services d’intérêt général (SIG) du champ d’application de la directive. Ils ont néanmoins voté, avec l’ensemble de leur groupe, contre l’amendement de compromis de Mme Gebhardt visant à exclure les services d’intérêt économique général (SIEG) du champ de la directive. Or nous savons que les services de la Commission et la jurisprudence de la Cour de justice qualifient de SIEG tout service d’intérêt général délivré en échange d’une contrepartie économique. La distribution d’eau, l’électricité, le transport et la distribution de gaz, la gestion et le retraitement des déchets, le logement social et bien d’autres services sont donc bel et bien inclus dans le champ de la directive. Quant à l’enseignement supérieur, cité dans le communiqué de l’UMP, il n’est exclu que dans la mesure où il ne peut pas être considéré comme un SIEG, ce qui est loin d’être garanti, considérant le volontarisme habituel avec lequel la Commission et le Cour de Justice s’attaquent aux services publics.

 

Enfin, quant à la prétendue victoire obtenue par le Président Chirac au Conseil Européen de mars 2005, par laquelle la proposition initiale de Frits Bolkestein aurait été enterrée, il est curieux de remarquer que c’est bien ce texte là qui est sur la table du Parlement et du Conseil et sur lequel nous travaillons. En fait d’enterrement, M. Chirac semble avoir obtenu tout simplement l’application de la procédure législative ordinaire de l’Union Européenne.

 

Aujourd’hui, il apparait clairement que la droite fait de la gesticulation pour faire croire que les engagements et les promesses de Villepin et Chirac devant les français se traduisent par un vrai changement de la directive Bolkestein. Malheureusement la vérité est bien différente, le texte issu de la majorité PPE ALDE de la commission du Marché intérieur du Parlement Européen, avec l’appui des députés UMP, reprends l’essentiel des dispositions ultralibérales de la proposition Bolkestein. Oui au principe du pays d’origine, oui à l’intégration de l’essentiel des services publics (les SIEG) au champ d’application, oui aux articles 14 et 15 qui amputent largement la capacité des autorités publics de réglementer les activités de service dans l’intérêt général. Quant à l’abrogation des articles 24 et 25 sur le détachement des travailleurs, il s’agit d’une victoire obtenue par la gauche dans la commission de l’emploi et des affaires sociales, qui sera reproposée au vote de la plénière.

 

L’UMP revendique des victoires qui ne lui doivent rien et se livre à une manipulation de l’opinion indigne. Véhémente dans l’hexagone, véhémente dans sa communication, elle s’est révélée docile et complice au Parlement Européen sur les deux principales menaces que fait peser ce texte sur le modèle social français : l’avenir des Services Publics et le Principe du Pays d’Origine.

 

 

Les 31 députés de la Délégation socialiste française:

 

Kader Arif, Pervenche Berès, Guy Bono, Bernadette Bourzai, Marie-Arlette Carlotti, Françoise Castex, Jean-Louis Cottigny, Harlem Désir, Brigitte Douay, Anne Ferreira, Jean-Claude Fruteau, Catherine Guy-Quint, Benoît Hamon, Adeline Hazan, André Laignel, Stéphane Le Foll, Marie-Nöelle Lienemann, Pierre Moscovici, Robert Navarro, Béatrice Patrie, Vincent Peillon, Bernard Poignant, Marie-Line Reynaud, Michel Rocard, Martine Roure, Gilles Savary, Pierre Schapira, Catherine Trautmann, Yannick Vaugrenard, Bernadette Vergnaud, et Henri Weber.