Sylvie Guillaume, au nom du groupe S&D. – Monsieur le Président, tout le monde comprend désormais, du moins je l’espère, que dans le contexte de crise humanitaire actuel, les femmes réfugiées, qui sont de plus en plus nombreuses, constituent un groupe particulièrement vulnérable. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes et par votre présence, Monsieur le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, nous mettons en lumière les conditions d’existence, et parfois de survie, de ces femmes.
Je donnerai, de mon côté, la parole à l’une d’entre elles, Reem, une jeune Syrienne. Je la cite: « Je n’ai jamais pu dormir dans les camps, j’avais trop peur que quelqu’un me touche. Les tentes étaient toutes mixtes et j’ai été témoin de violences. Les femmes ne peuvent pas vraiment se plaindre et ne veulent pas causer de problèmes susceptibles de perturber leur voyage. » Ce témoignage recueilli par Amnesty International n’est pas celui d’une femme se trouvant en Syrie, en Irak ou je ne sais où encore, en proie à une violence endémique. Cela se passe ici, en Europe, alors que ces femmes fuient l’horreur de la guerre dans leur pays d’origine, elles continuent de vivre la peur des agressions à toutes les étapes de leur périple.
Ce que nous rappelle le témoignage bouleversant de Reem, c’est que les politiques migratoires ont, jusqu’ici, accordé trop peu d’importance à la question du genre. La révision du paquet « Asile » a permis de redresser un peu la barre, mais la mise en œuvre sur le terrain reste encore bien trop faible. Comme le préconise le rapport de ma collègue Mary Honeyball, cette attention particulière aux femmes migrantes doit être accordée à toutes les étapes de leur parcours. Cela veut dire depuis la procédure d’asile proprement dite, en passant par les conditions d’accueil et jusqu’aux mesures d’intégration. Cela veut dire aussi que le personnel d’accueil doit être formé. Cela passe par la mise en place d’installations sanitaires et de dortoirs non mixtes et l’accès à des soins de santé adaptés.
Ce que nous rappelle également avec force le témoignage de Reem, c’est qu’il est urgent d’agir ensemble. L’Union européenne et ses États membres ne peuvent plus continuer à multiplier les sommets européens sans prendre de décisions sur des actions efficaces et collectives pour lutter contre la crise humanitaire et morale, dans laquelle l’Union européenne est plongée actuellement. Des pistes existent pourtant: créer et renforcer l’ouverture de voies légales et sûres pour rejoindre l’Europe – j’y vois là le meilleur moyen de lutter contre les passeurs, qui continuent, eux, de s’enrichir; nous doter d’un mécanisme effectif de solidarité intra-européenne pour un partage équitable des responsabilités – il faut que les relocalisations depuis la Grèce ou l’Italie, qui ont lieu pour l’instant au compte-gouttes (600 personnes, je crois) soient mises en œuvre avec une volonté politique. Nous attendons également avec impatience la proposition de la Commission sur une révision du règlement Dublin et nous souhaitons que cette révision change drastiquement les fondements; garantir une application pleine et cohérente du régime d’asile européen commun dans toute l’Union, pour que demander l’asile en Europe ne continue pas à s’apparenter à une loterie ou à du shopping; enfin, renforcer la coopération avec les pays tiers de transit et d’origine, selon des termes clairement définis et équilibrés, incluant en particulier le respect des obligations en matière de droits de l’homme. Au lendemain du sommet UE-Turquie, cet équilibre est particulièrement crucial.