Sylvie Guillaume (S&D). – Madame la Présidente, l’accord UE-Turquie – ou quel que soit d’ailleurs le nom qu’on lui donne – est-il satisfaisant? Selon moi, la réponse est non. Ceux qui ont décidé de cet arrangement n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour emballer le tout d’un joli papier cadeau.

Sur le papier, on répète qu’il est totalement conforme avec le droit de l’Union et avec le droit international mais, sur le terrain, la mise en œuvre soulève des interrogations. Des interrogations sur la légalité du schéma proposé – je ne suis pas la première à le dire. Le mécanisme de renvoi vers la Turquie repose sur les notions de « premier pays d’asile » et de « pays tiers sûr » et, dans l’un et l’autre cas, la protection dont les demandeurs d’asile ou les réfugiés peuvent se prévaloir dans ce pays n’est pas vraiment satisfaisante. C’est évidemment au juge qu’il appartiendra de décider de tout cela, mais les premières appréciations font, à ce stade, pencher la balance du côté du « non ».

Des interrogations sur l’applicabilité: le mécanisme de renvoi pose un grand nombre de problèmes logistiques en Grèce, notamment pour garantir un examen individuel, une procédure de recours et un accueil digne des populations. Là encore, la mise en œuvre de l’accord ne semble pas conforme aux garanties annoncées sur le papier.

Des interrogations sur l’efficacité: ce plan cherche coûte que coûte à tarir les flux de migrants traversant la mer Égée. Il y a fort à parier que d’autres routes s’ouvriront, et on note d’ailleurs une augmentation des flux depuis la Libye vers l’Italie et Malte, et on signale même des passages via l’Ukraine.

De plus en plus, cet accord prend des airs de machine infernale qui pourrait s’emballer et devenir incontrôlable et incontrôlée, participer au détricotage des valeurs et des fondations européennes. Ces critiques, il faut les entendre.

Vous l’avez compris, cet accord, cet objet dangereux, suscite chez moi non seulement des interrogations, mais aussi des réserves. Je mesure toutefois qu’il existe aussi parce qu’il n’a pas été possible d’élaborer un projet alternatif en raison de l’absence de solidarité de la part des États membres.