En tant qu’auteur du rapport en question, je souhaite compléter la lecture qui en est faite par mon collègue Jacky Hénin. Je vois dans celle-ci une tentative de justification du vote de son groupe politique contre le premier texte du Parlement européen qui appelle à l’introduction d’une taxation des transactions financières au niveau européen. Parfois l’attaque est la meilleure défense…
Sur le fond, je souhaite souligner qu’en matière d’emploi, le rapport indique « qu’un emploi de qualité doit constituer une priorité de la stratégie Europe 2020 et qu’il est essentiel d’accorder plus d’attention au bon fonctionnement des marchés du travail et aux conditions sociales pour améliorer les résultats en matière d’emploi ». Dès lors, il appelle à « la mise en place d’un nouveau programme de promotion du travail décent, de garantie des droits des travailleurs dans l’ensemble de l’Europe et d’amélioration des conditions de travail »; et de compléter que le Parlement européen « estime qu’une action volontariste forte pour l’emploi est d’autant plus nécessaire que l’Union court le risque d’une reprise sans création d’emplois durables », avant de presser l’Union européenne « d’associer son action en faveur de l’emploi à des mesures de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ainsi qu’au fonctionnement efficace du marché intérieur pour les travailleurs au sein de l’Union, afin d’éviter que la crise ne creuse encore plus les inégalités » (paragraphes 187 et 188).
En ce qui concerne la fiscalité et le travail, le rapport appelle à « alléger la fiscalité du travail, tant pour les moins fortunés que pour permettre aux classes moyennes de mener une vie décente grâce au fruit de leur travail » et plaide en faveur d’une fiscalité « permettant d’alléger celle pesant sur le travail, d’encourager l’emploi, l’innovation et les investissements à long terme, et de créer des incitations à ces fins » (paragraphes 144 et 145).
Sur la gouvernance économique que M. Jacky Hénin prend le parti de réduire au pacte de stabilité et de croissance, le Parlement adopte une approche plus globale en soulignant que « pour rétablir des taux de croissance sains et atteindre l’objectif du développement économique durable et de la cohésion sociale, il convient de s’attacher en priorité à corriger les déséquilibres macroéconomiques » (paragraphe 69).
Il est ensuite précisé que « la surveillance multilatérale et les demandes d’ajustement doivent porter autant sur les situations de déficits que d’excédents, en tenant compte des situations spécifiques de chaque État » (paragraphe 103). Enfin, le rapport demande à l’Union de « mieux se doter d’instruments contracycliques de gestion des politiques économiques » (paragraphe121).
Voilà autant de propositions qui ne figurent pas dans l’accord exclusivement punitif de Deauville entre la chancelière Merkel et le Président Sarkozy et que le Parlement impose, grâce à ce rapport, dans le débat.
J’ajoute que le rapport se prononce pour l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et des taux de TVA, le renforcement des droits des travailleurs, une législation sur les SIEG et l’insertion d’une clause sociale dans toute législation relative au marché intérieur. Il dénonce le « comportement spéculatif – certains investisseurs prenant de très grands risques –, qui a été aggravé par l’oligopole des agences de notation; avant d’observer qu’une économie de marché fonctionne au mieux lorsqu’elle s’accompagne d’une réglementation arrêtée de manière démocratique, transparente et à plusieurs niveaux, ainsi que d’une éthique et d’une morale saines encourageant des systèmes économiques et financiers solides qui ne nuisent pas à l’économie réelle » (paragraphe 6). Le rapport en conclut qu’il faut » lancer une étude de faisabilité et d’impact sur la création d’une agence européenne publique et indépendante de notation de crédit » qui serait également compétente en matière de dette souveraine (paragraphe 60).
Je regrette aussi que l’adoption par la plénière d’un amendement fort bienvenu du groupe GUE, renforçant le rapport sur l’éradication des paradis fiscaux, en plus du message clair porté sur la taxation des transactions financières, n’ait pas conduit Jacky Hénin et ses collègues à reconsidérer leur vote.
En ce qui concerne le paragraphe sur les pensions que M. Hénin fustige tant, la formulation d’origine de la droite appelait tout simplement à développer l’épargne personnelle pour faire face aux défis de financement! La rédaction issue des négociations est donc équilibrée et ne préjuge en rien des choix nationaux en matière d’organisation et de financement des systèmes de retraite, fait référence à l’allongement de la durée de vie mais sans en déduire un allongement de la durée de travail, et plaide pour une solidarité intergénérationnelle. A aucun moment ce paragraphe ne promeut un modèle par rapport à un autre. Il est simplement fait état des enjeux et des pistes retenues par les uns et les autres. Comme l’ensemble des socialistes, je suis pleinement solidaire du mouvement contre la réforme des retraites imposée par le gouvernement français car elle est profondément injuste, notamment en ce qui concerne les femmes. Je suis cependant convaincue que nous avons des combats sociaux à mener au niveau européen, par exemple pour une retraite minimum, qui constitueraient une valeur ajoutée pour l’ensemble des citoyens sans porter préjudice aux modèles nationaux de protection sociale.
Pour demain, j’espère qu’avec mes amis de la GUE nous retrouverons des voies de coopération fructueuse pour sortir de l’ornière du débat sur les sanctions et soutenir la vraie stratégie d’investissement de long terme pour créer des emplois et conjuguer durabilité et solidarité.