Dans la matinée du 19 juillet 2012, la Commission européenne a adopté une proposition de règlement sur la pêche en eau profonde dans l’Atlantique Nord-Est visant à interdire le chalutage des grands fonds deux ans après son adoption par le Parlement européen et le Conseil.

Alors que depuis 2011 la Commission européenne prévoyait déjà de publier un texte d’interdiction sur la base d’estimations, les données récoltées par le CIEM en 2012 avaient donné bon espoir aux professionnels, pensant que la raison et les avis scientifiques supplanteraient le caractère idéologique et irrationnel de la position de la Commission sur ce sujet. Mais il n’en est rien.

La publication de ce règlement est un véritable choc en Bretagne notamment, où les armements pratiquant la pêche en eau profonde ont redoublé d’effort depuis 2001, afin de pratiquer une gestion des pêches exemplaire, avec une des collaborations les plus suivies entre armements et monde scientifique, associant développement d’une véritable excellence technique et récolte méticuleuse de données. Des études sur l’impact du chalut sur les grands fonds avaient également permis de produire des résultats très positifs, démontrant que seulement 10% des zones de grands fonds sont exploitées, et seulement les zones sédimentaires, dépourvues de récifs coralliens.

Ainsi le CIEM a récemment publié des données très encourageantes, récompensant les efforts fournis par armements et scientifiques. Le CIEM a émis des avis sur la moitié des stocks exploités, et sur 100% des espèces ciblées en Bretagnes. Pour toutes ces espèces ciblées il est considéré que les quotas pourraient être quasiment doublés en continuant de pêcher durablement. Sur les principales espèces commerciales associées, une amélioration de l’état des stocks est constatée, aboutissant à la préconisation du principe de précaution pour deux des stocks et d’une augmentation possible des captures de 20% pour le dernier. La pêche en eau profonde produit par ailleurs un très faible niveau de rejets. Il a été démontré par le CIEM que les requins profonds, qui font parti des principales espèces accessoires non désirées, ont un très bon taux de survie après remise à l’eau.

Face à l’évidente adéquation entre l’état des stocks d’eau profonde dans l’Atlantique Nord-Est et les objectifs de pêche durable de la Commission européenne, c’est donc avec la plus grande incompréhension que j’accueille ce règlement. Ma stupeur est d’autant plus grande que cette interdiction aura un impact socio-économique dévastateur sur des territoires maritimes tels que la Bretagne, détruisant des centaines d’emplois directs et un nombre inquantifiable d’emplois indirects, tant dans la maintenance, que dans le transport, la distribution, etc. L’effet de ce règlement serait d’autant plus dramatique qu’un navire ne pêchant ne serait-ce que 10% de captures accessoires d’espèces d’eaux profondes serait concerné par l’interdiction de pêcher, ceci pouvant alors également durement impacter la pêche au chalut artisanale ciblant d’autres espèces.

Alors que l’Union européenne peine à sortir de la crise et à lutter contre le chômage et la désindustrialisation, la destruction programmée de ces emplois non délocalisables relève purement de l’irrationnel.