La Commission européenne présente, ce mercredi 19 mars, sa feuille de route concernant la mise en œuvre de l’Union de l’épargne et de l’investissement.

« Si nous nous réjouissons de voir avancer ce dossier central pour le rapatriement de l’épargne en Europe, nous ne pouvons que regretter que la principale et première mesure proposée soit la relance de la titrisation, et ce, sans la moindre obligation en matière de financement de l’économie réelle. Une proposition qui va d’ailleurs à l’encontre même de la philosophie de l’Union des marchés de capitaux qui vise à réduire le poids du financement bancaire pour favoriser le recours aux marchés et à l’épargne des Européens » a ainsi commenté Aurore Lalucq, présidente de la Commission des affaires économiques du Parlement européen.

Cette dernière a présenté, lundi 17 mars, un rapport visant à offrir des propositions concrètes pour répondre à la crise de l’investissement qui met l’Europe en péril sur au moins deux enjeux centraux :

  • L’effacement sur le plan industriel et géopolitique, pointé par les rapports Draghi et Letta notamment, si rien n’est fait pour enrayer le décrochage économique et industriel face aux superpuissances chinoises et américaines.
  • Mais aussi la capacité pour l’UE d’assurer sa propre défense suite au retour de la guerre sur le continent européen et au retournement stratégique du président états-unien.

Cette double crise que traverse l’UE est donc une crise de sa capacité à investir et à se donner les moyens de sa puissance. C’est la raison pour laquelle l’Union doit, dès à présent, retrouver des marges de manœuvre budgétaires et financières pour répondre à cette double menace et s’affirmer sur la scène économique, politique et géopolitique.

Ainsi, une des raisons du retard pris par l’Union européenne vis à vis de ses concurrents a été la difficulté pour ses entreprises à se financer à la hauteur de leurs besoins, en particulier les petites et moyennes entreprises ayant besoin de passer à l’échelle pour se développer. Aujourd’hui les entreprises sur le terrain se plaignent aujourd’hui du manque de demande de long terme et réclament de la stabilité en matière de norme (stability), de la réactivité pour les protéger face à la concurrence commerciale déloyale (responsiveness) et enfin des contrats de long terme, avec la puissance publique (public deals).

« La bonne nouvelle c’est que, contrairement à ce que l’on pense, les Européens vivent en dessous de leurs moyens : il y a des ressources importantes, qu’il nous faut mobiliser, plutôt que de les laisser partir vers les Etats-Unis notamment. Aujourd’hui, notre épargne part à raison de 300 milliards d’euros par an vers les USA. Il faut mettre un terme à cette situation. Nous ne pouvons plus être une colonie financière des Etats-Unis. Mobiliser cette épargne est un enjeu économique, mais aussi politique et de souveraineté pour l’UE. » rappelle Aurore Lalucq.

La seule mobilisation des financements privés ne suffira toutefois pas à résoudre les problèmes précédemment énumérés. Il faudra également passer par de l’investissement public, notamment dans les domaines à haut risque comme la défense et la décarbonation. L’UE pourra aussi compter sur certains outils comme le Mécanisme européen de stabilité, qui permet de mobiliser rapidement plusieurs centaines de milliards d’euros. On pourra également relancer un endettement commun, comme cela a été fait lors du Covid, à travers la création d’un actif sûr européen.

« Il va nous falloir être pragmatiques et défendre nos intérêts, en créant notamment une unité d’intelligence économique européenne, pour renforcer l’autonomie stratégique de l’UE en matière économique et financière. L’instabilité provoquée par Trump peut être une opportunité pour l’Europe en offrant des opportunités aux acteurs économiques en manque de stabilité et de sérieux » précise Aurore Lalucq.

Ce projet de rapport présente donc une série de mesures visant à relever ces défis, à créer un marché des capitaux plus intégré et plus efficace dans l’UE et à favoriser le rôle du secteur public dans la mobilisation des investissements.

Propositions clefs du rapport :

  • Création d’un un actif sûr européen (common safe asset), permettant d’émettre une dette partagée entre les États comme nous avons pu le faire pour répondre à la pandémie de Covid 19. Une telle initiative permettrait de lever plusieurs centaines de milliards d’euros à des taux d’intérêt avantageux, offrant ainsi un cadre cohérent pour une politique de défense européenne intégrée.
  • Mise à profit du Mécanisme européen de stabilité, déjà doté d’une capacité de prêt de plusieurs centaines milliards d’euros. Son activation pour la défense permettrait un accès rapide aux fonds et éviterait la nécessité de créer une nouvelle structure. Cependant, les possibles conditionnalités et sa gouvernance restent problématiques, le Parlement européen n’ayant aucun contrôle sur son fonctionnement.
  • Supervision/superviseur unique par l’ESMA, qui baisserait les coûts d’opération sur les marchés financiers, réduirait les risques et renforcerait la confiance des investisseurs.

Création d’une Intelligence economic unit européenne, qui renforcerait l’autonomie stratégique de l’UE en matière économique et financière, la protégeant des risques extérieurs et optimisant ses choix d’investissement.