Thomas Pellerin-Carlin, Membre de la Commission Industrie, Recherche et Energie
François Kalfon, Membre de la Commission des Transports et du Tourisme
Christophe Clergeau, Vice-Président du Groupe S&D
Le Parlement européen a débattu cette semaine du plan d’action automobile présenté par la Commission européenne. Cette dernière vient d’ouvrir la boite de Pandore et d’offrir l’opportunité à l’extrême droite de défaire un pan essentiel du Pacte Vert européen : notre législation environnementale en matière d’émissions de CO2 des voitures.
Les constructeurs automobiles annoncent 88.000 suppressions d’emplois après avoir engrangé 130 milliards d’euros de bénéfices lors des deux dernières années. Les lobbies de l’automobile ont mis une pression maximale sur Ursula von der Leyen, propageant des mensonges sur un risque d’amende de 15 milliards d’euros. Face à cette pression, la Présidente de la Commission européenne cède, et fait fausse route.
De quoi l’industrie automobile européenne a-t-elle besoin ? De stabilité réglementaire et d’investissements.
Stabilité réglementaire d’abord : en rouvrant un règlement adopté il y a moins de deux ans, la Commission inaugure au contraire une période d’instabilité inédite. Et ouvre une boîte de Pandore dont surgiront immanquablement les lobbies du diésel et l’extrême-droite, pour faire dérailler la transition écologique européenne.
Dans la même veine, sa proposition de réformer le mode de calcul des amendes infligés aux constructeurs automobiles équivaut à exempter d’amendes ceux qui ne respecterait pas la loi.
Investissements ensuite : oui, l’électrification implique des investissements majeurs, dans les lignes d’assemblage, dans la capacité européenne de produire des batteries aussi. Les dividendes de la période faste qu’ont connu les constructeurs européens doivent à présent être canalisés vers les sites de production et les salariés, plutôt que vers les actionnaires. Mais nous parlons aussi d’investissements publics, via différents fonds qui existent déjà (fonds de transition juste, fonds social climat…).
L’industrie automobile a déjà un cap clair. Ce cap, il faut le tenir. C’est le fondement de toute politique industrielle pensée sur le long terme.
Seule avancée positive notable de son plan sectoriel, la Commission européenne reprend à son compte la proposition de leasing social européen que nous portons. Notre objectif est simple : garantir que la petite voiture électrique soit accessible pour les classes moyennes et populaires qui en ont besoin, notamment dans nos territoires périurbains et ruraux.
En s’appuyant sur l’expérience française, nous demandons à développer un système simple : une voiture électrique contre un loyer de 50 à 150€ par mois, pour que des millions de travailleurs puisse enfin accéder à la liberté qu’offre la voiture électrique. La Commission européenne doit ici agir avec plus de vigueur. Elle doit devenir la centrale d’achat de ces voitures afin de créer des économies d’échelle et de faire baisser les prix. Elle doit mieux mobiliser le Fond Social Climat pour que l’argent européen co-finance le déploiement à grande échelle du leasing social dans tous les États européens qui le souhaiteront. Elle doit aussi garantir que ces voitures soient fabriquées en Europe, et que les aides soient conditionnées à l’amélioration des conditions de travail et la préservation des emplois chez les constructeurs automobiles, les équipementiers et leurs sous-traitants.
Enfin, le plan de la Commission européenne passe à côté des enjeux d’investissement, notamment dans la fabrication de batteries. Face à la puissance des stratégies centralisées américaines et chinoises, l’Europe ne peut se contenter d’une juxtaposition de stratégies nationales sous-financées et non-coordonnées.
Dans le travail parlementaire qui s’ouvre, nous continuerons à défendre notre souveraineté industrielle, la protection de l’environnement et de la santé, une transition juste, des mesures plus concrètes en soutien aux travailleurs du secteur automobile, et une protection ferme face aux pratiques déloyales de nos concurrents internationaux.
Nous continuerons à nous battre pour faire du secteur automobile européen la figure de proue d’une révolution énergétique, écologique et industrielle au service de la souveraineté européenne et de la justice sociale.