Aux élections européennes de mai 2014, il faudra choisir entre la politique d’austérité des conservateurs-libéraux et la relance par l’investissement des socialistes, explique Henri Weber. Le député socialiste européen rappelle les « projets pertinents et ambitieux » qui ne manquent pas en Europe et qui ne demandent qu’une réforme du système de financement de l’Union.

Dans un an, en avril 2014, nous serons au plus fort de la campagne pour le renouvellement du Parlement de Strasbourg. Chaque grande famille politique européenne –les conservateurs-libéraux, les socialistes, les verts, la gauche radicale, l’extrême-droite souverainiste…– ira à la bataille avec son programme et, pour la première fois, son candidat commun à la présidence de la Commission européenne. Cette campagne opposera la gauche et la droite sur de multiples sujets, mais d’abord, et avant tout, sur la question de la croissance. Sans retour à une nouvelle croissance, en effet, rien n’est possible en Europe : ni le désendettement des Etats surendettés, ni la transition de nos sociétés vers une « économie verte », ni leur redéploiement vers les industries et les activités d’avenir.

Pour les conservateurs-libéraux, majoritaires dans toutes les instances de l’Union, c’est de l’austérité et du rétrécissement de l’Etat-providence que naîtra la croissance. Par quel miracle ? Par le retour de la confiance des investisseurs, suivi du retour des investissements.

Pour les socialistes, au contraire, la généralisation des politiques d’austérité à des économies entrées en récession ne peut que nourrir un cercle vicieux dépressif. On le constate en Espagne, en Italie, au Portugal, en Grande-Bretagne : les plans d’austérité aggravent la récession et l’endettement ; et l’aggravation de la récession appelle de nouveaux plans d’austérité. Même le FMI, les agences de notation et les marchés financiers ont fini par s’en rendre compte.

Pour sortir de la récession et retrouver un sentier de croissance, il faut mettre en œuvre une stratégie différenciée : les pays excédentaires d’Europe du nord, et en premier lieu l’Allemagne, doivent relancer leur consommation intérieure et leurs investissements, pour servir de locomotive à l’Europe. Angela Merkel s’y refuse, mais les salariés allemands, leurs syndicats et le SPD s’y emploient : ils ont obtenu 6,5% d’augmentation de salaires en 2012 et l’instauration d’un SMIC en 2014.

Malgré des exportations records –188 milliards d’euros d’excédent de la balance commerciale en 2012 !– la croissance allemande se traîne à 0,3%. Peter Steinbrück, le candidat socialiste à la Chancellerie, s’engage à rallumer le moteur de la consommation populaire, pour retrouver la croissance en Allemagne.

De leur côté, les Etats surendettés d’Europe du sud doivent s’engager sur une trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire, comme notre gouvernement l’a fait pour nous-mêmes. Mais en étalant ce retour dans le temps, car l’objectif n’est pas de mourir guéri, mais de guérir vivant et plus vigoureux qu’avant 2008.

Le moteur principal de la nouvelle croissance est, toutefois, la relance par l’investissement. Les projets pertinents et ambitieux ne manquent pas : l’Europe de l’énergie, pour garantir l’indépendance énergétique de l’Union et réussir sa transition vers les énergies renouvelables ; l’Europe des transports, et notamment du fret ferroviaire ; l’Europe de l’Internet à haut débit, des bio et des nanotechnologies ; de l’agriculture du futur ; des services…

Les projets concrets existent, mais les financements ne suivent pas. Le système de financement de l’UE, fondé sur les contributions nationales des Etats membres, est à bout de souffle. Pour amorcer le financement des grands projets européens, nous devons doter l’UE de ressources propres, indépendantes du bon vouloir des gouvernements nationaux. Parmi celles-ci, deux sont déjà en piste : la taxe sur les transactions financières –alias la taxe Tobin– qu’onze Etats, dont l’Allemagne, se sont engagés à mettre en œuvre dès 2014. La « TTF » doit rapporter 32 milliards d’euros par an si elle est prélevée à onze, et 55 milliards d’euros si elle est étendue aux vingt-huit Etats membres. Autre ressource propre à portée de la main : les obligations européennes dédiées à des projets –les europrojects– qui existent, aujourd’hui, à titre expérimental mais qui pourraient aisément être développés.

On doit, aussi, envisager la taxe Energie-Climat aux frontières de l’Europe, abandonnée en rase campagne par le gouvernement Sarkozy, mais plus nécessaire que jamais pour réunir les conditions d’une concurrence équitable et lutter contre l’accélération du réchauffement climatique.

Pour renforcer à plus long terme le potentiel de croissance européen, les socialistes proposent d’investir massivement dans la matière grise –l’atout maître de notre continent : Recherche, Université, Education, Formation permanente, Santé.

Face à la concurrence déloyale de certains « grands émergents », mais aussi de pays développés, ils proposent d’appliquer au commerce les principes de réciprocité et d’équilibre, mais aussi du respect des normes internationales, établies par les grandes Conventions : normes de sécurité et de santé, bien sûr, mais aussi normes sociales et environnementales.

Ils exigent de la Commission, et en particulier de la direction de la Concurrence, qu’elles révisent leur politique dépassée de chasse aux aides d’Etat.

Rien ne condamne l’Europe à la récession ou à la stagnation. La croissance est repartie aux Etats-Unis, elle reste forte dans les pays émergents, qui sont des économies de rattrapage, où tout est à construire.

La demande mondiale des biens et des services, dans lesquels nous excellons, est en forte expansion. Le décollage des « grands émergents », ouvre à nos entreprises des marchés fabuleux, pour peu que nous soyons capables de leur imposer le « juste échange ». Aujourd’hui, Peugeot vend plus de voitures en Chine qu’en France.

Nous vivons, en ce début de XXIe siècle, simultanément trois révolutions technologiques majeures : celles de l’Internet, des énergies renouvelables et des biotechnologies. Il ne dépend que de nous d’y prendre toute notre place –et pourquoi pas la première ? Comme nous avons su le faire lors des grandes révolutions industrielles des siècles passés.

Henri Weber, député socialiste européen.