« Nos craintes se concrétisent », a déclaré Martine Roure, porte-parole des socialistes pour la commission parlementaire des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, suite à la rencontre, hier soir, entre les membres de sa commission et le commissaire européen Franco Frattini, en charge de la justice, de la liberté et de la sécurité, sur le récent jugement qu’a rendu la Cour européenne de Justice annulant l’accord entre l’UE et les Etats-Unis concernant le traitement et le transfert des données à caractère personnel des passagers européens à destination des USA aux autorités américaines lors de vols transatlantiques.
Le commissaire a tenté d’apaiser les eurodéputés en précisant que l’accord actuel UE/USA sur la transmission des fichiers passagers prévoit une clause de révision en 2007. Il proposera en outre, aujourd’hui, au Collège des commissaires, de faire passer la base juridique de l’accord du 1er au 3ème pilier.
« Le Parlement n’aura plus qu’un avis consultatif« , note avec désarroi la députée socialiste française Martine Roure. « La Cour de Justice a annulé l’accord sur la forme et non sur le fond. Le fait qu’elle ne se soit pas prononcée sur le contenu de ces accords ne signifie pas que les inquiétudes du Parlement ne sont pas fondées. Les données personnelles des passagers aériens ne seront pas pour autant mieux protégées, car l’accord continue à violer les droits fondamentaux des citoyens européens. »
Elle rappelle, une fois de plus, que le seul moyen de garantir la protection des droits fondamentaux dans ce domaine est l’adoption rapide de la Décision-cadre sur la protection des données dans le troisième pilier. « A l’heure actuelle il n’y a aucune coordination entre les 25 pour la protection des données utilisées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire. C’est cependant absolument nécessaire pour le bon fonctionnement de l’espace européen de liberté de sécurité et de justice. »
Elle ajoute également que cet arrêt renforce la nécessité de faire appel à la clause passerelle prévue à l’article 42 du Traité qui permettrait le passage à la codécision pour tous les domaines relevant du troisième pilier assurant ainsi un réel contrôle démocratique. « Nous resterons constants dans notre opposition au transfert des données personnelles tant qu’un véritable accord international n’apporte pas les garanties sérieuses à l’UE quant au traitement qui est fait de ces informations« , a déclaré Martine Roure.
« Nous avons toujours défendu notre vision de la lutte contre le terrorisme y compris dans nos relations avec les pays tiers; une vision qui attache une importance primordiale à l’équilibre entre des mesures visant à améliorer la sécurité des citoyens et le respect rigoureux des droits fondamentaux de chacun. Nous n’excluons pas de manière catégorique un accord sur un échange des données avec des pays tiers. Un tel accord existe par exemple avec le Canada et l’Australie. Ceux-ci sont cependant acceptables car ils permettent de transférer un nombre ciblé de données concernant les passagers qui peuvent s’avérer utiles dans la lutte contre le terrorisme et les autorités canadiennes et australiennes garantissent une protection adéquate des données transférées« , termine l’eurodéputée socialiste, en se demandant pourquoi un tel système de transfert ne serait pas possible avec les Etats-Unis. Strasbourg, le 13 juin 2006