Tribune publiée dans le cadre d’une série du « Nouvel Observateur » à propos du traité européen.
Le débat aujourd’hui n’est pas de savoir si les socialistes sont divisés sur la question européenne. L’enjeu, c’est de redonner vie au projet européen en mettant fin à la crise sociale que nous traversons depuis 2008. De ce point de vue, les débats sur le Traité budgétaire européen (TSCG)sont très utiles à la confrontation des idées sur les orientations de l’Europe.
Nous, parlementaires européens, n’avons pas eu à nous prononcer sur le TSCG, qui est un Traité international : il est d’ailleurs logique que la ratification d’un Traité ait lieu dans le cadre national, étant donné qu’il s’agit de transposer des dispositions européennes dans la législation des États membres.
Une Europe marquée à droite
Nous nous sommes en revanche prononcés sur le sujet de la gouvernance économique. Chaque fois que la législation européenne nous y a invités, nous avons utilisé les pouvoirs du Parlement pour défendre notre point de vue. C’est pour cela que nous avons demandé dès 2009 puis obtenu la constitution d’une commission parlementaire entièrement consacrée à la crise et ayant pour mission de formuler des propositions pour relancer la croissance et l’emploi en Europe.
C’est aussi pour cela que nous nous battons depuis plus de dix ans avec le Parti socialiste européen pour faire adopter une taxe sur les transactions financières. C’est enfin pour cela que nous avions exprimé notre désaccord avec les propositions d’austérité pures soumises à notre assemblée en septembre dernier, dans le fameux « six pack » : nous avions rappelé alors que la responsabilité budgétaire doit systématiquement s’accompagner de politiques de croissance.
L’Europe est malheureusement marquée à droite : si nos idées avancent, si certaines aboutissent, la politique menée en Europe n’est malheureusement pas celle des socialistes.
Le traité européen est-il satisfaisant ? Non
Mais, depuis l’élection de François Hollande, l’orientation de l’Europe est rééquilibrée par d’autres décisions et propositions. Car, il s’agit bien de cela. Pour éclairer les débats sur le TSCG, il convient d’abord de rappeler la situation que nous, socialistes, avons trouvée en arrivant en responsabilités. Puis de voir ce que nous avons obtenu, avant de se consacrer à la question la plus importante : que reste-t-il à faire ?
La stratégie du précédent pouvoir était limitée et bornée : l’austérité budgétaire, comme fin en soi. Tous les fondamentaux – ou presque – de la reprise étaient systématiquement passés sous silence : rien en faveur de la croissance, pas de solidarité monétaire, pas de réflexion sur le rôle de la BCE. Nous étions dans une logique punitive vis-à-vis de l’investissement public. À cela venait s’ajouter le fait que la France avait une relation très déséquilibrée avec l’Allemagne et inexistante avec les autres États.
François Hollande a donc dû avancer des propositions dans un calendrier serré : c’est pendant la campagne que l’exigence de renégociation a permis d’avoir un levier pour obtenir des avancées après le 6 mai. C’est cette exigence de renégociation qui a permis de réorienter l’Europe, avec des mesures fortes en faveur de la croissance, une remise en ordre dans la finance et l’instauration d’outils de solidarité. Si rien n’a changé dans le texte du Traité, il faut mesurer les changements globaux dans le cadre européen, grâce à la volonté politique de François Hollande.
Avant, il y avait le TSCG et l’austérité pour seul horizon. Aujourd’hui, nous avons obtenu 120 milliards pour la croissance, la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et les obligations de projet. La Banque centrale européenne a annoncé qu’elle allait intervenir de façon illimitée sur le marché secondaire de la dette publique. Cette annonce s’est concrétisée début septembre. Or, si le mécanisme européen de stabilité et la Banque centrale européenne n’étaient pas en capacité d’intervenir, les États se révéleraient très vite incapables de faire face, avec les conséquences que l’on peut aisément imaginer pour les peuples.
Comment peut-on en toute bonne foi prétendre que la dynamique impulsée par le président français est étrangère à ces évolutions ? Les progrès – dans un environnement hostile – sont là pour démontrer que la stratégie choisie était la bonne.
Les Européens attendent des résultats
Le vrai enjeu, aujourd’hui, c’est de nourrir cette dynamique vertueuse de solidarité et d’investissements à l’échelle européenne. Ce combat-là, nous le menons à travers le budget européen que nous sommes en train de négocier pour la période 2014-2020.
Nous rappellerons à cette occasion avec force que la gouvernance économique européenne doit principalement servir l’objectif de création d’emplois via des investissements durables. Les Européens attendent des résultats, ils veulent une Europe qui leur apporte autre chose que la contrainte et des efforts insupportables et injustes.
Le juste échange, la recherche, l’énergie, les clauses sociales et environnementales aux frontières de l’UE, la volonté d’engager une véritable politique industrielle, etc. Voilà encore d’autres actions qu’il nous faut mener pour consolider le chemin de sortie de crise. La construction européenne a une longue histoire et les acquis sont nombreux. Acteurs de ce projet, nous en sommes également les passeurs pour les générations à venir : c’est pour eux que nous devons approfondir et enfin démocratiser le projet européen.
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A lire aussi dans notre série spéciale consacrée au Traité européen :
– « Traité européen : il faut le ratifier, l’austérité n’est pas la cause de la crise » par Daniel Cohn-Bendit, eurodéputé écologiste.
– « Traité européen : il faut faire des compromis mais ne pas oublier l’écologie » par Jean-Vincent Placé, sénateur de l’Essonne (EELV).
– « Au-delà du traité budgétaire européen, nous devons construire une nouvelle Europe » par Bruno Le Maire, député (UMP) de l’Eure et ancien secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes.
-« Traité budgétaire européen : il faut faire sauter le verrou des 3% » par Liêm Hoang-Ngoc, eurodéputé PS.
– « Le traité budgétaire européen ? Une machine infernale qui va accélérer la crise » par Jacques Myard, député (UMP) des Yvelines et membre de la Droite populaire.
– « Traité européen : l’idée européenne mérite mieux que l’austérité« , par Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.