Tribune publiée par Le Monde et rédigée par Hannes Swoboda, Catherine Trautmann, Ivailo Kalfin, Göran FärmHannes Swoboda, Catherine Trautmann, Ivailo Kalfin, Göran Färm

La pression monte alors que s’engagent les discussions sur le budget de l’Union européenne pour les années 2014-2020. Une poignée de gouvernements principalement de droite a pris en otage l’avenir de l’Europe ni plus, ni moins. Obsédés par une politique d’austérité extrême ces gouvernements ne veulent pas d’un budget pour l’Europe à la mesure des enjeux. Ils accusent le Parlement européen d’être « dépensier » et irresponsable en ces temps de crise.

Pourtant, il ne s’agit pas de « gros sous » : au contraire même.

Le budget de l’Union européenne représente un peu moins de 1 % de la richesse cumulée des 27 pays qui composent l’UE. L’Europe coûte moins d’un euro par jour pour chacun des 500 millions d’Européens.

Le vrai débat est ailleurs : une minorité de pays européens plus riches – avec des gouvernements eurosceptiques – forment une alliance dans le but de réduire un peu plus l’influence de l’Union européenne en coupant ses ressources budgétaires. Dans un contexte de montée de l’euroscepticisme et d’appels au nationalisme et au rétablissement des frontières, ces demandes de coupes budgétaires menacent l’unité du marché intérieur, la sortie de crise et dans l’absolu l’avenir de l’Europe ! A première vue, il peut sembler logique d’appliquer au budget européen le même régime de rigueur que s’imposent les Etats en ces temps de crise. La réalité n’est pas aussi simple. Le budget de l’Union, c’est aussi un moyen de combattre la crise ensemble : les coupes sombres prônées par la droite menacent les investissements indispensables pour relancer l’économie des pays et régions moins prospères de l’Union.

Le budget, un instrument de solidarité

L’austérité seule ne nous permettra pas de sortir de la crise. Or, les investissements ont fortement reculé depuis le début de la crise et sont aujourd’hui dangereusement bas. Dans la plupart des régions et pays d’Europe, il n’y aura tout simplement plus d’investissement public si les financements de l’Europe n’arrivent pas! Il est clair que l’Europe augmente considérablement ses chances de sortir de la crise si les Etats agissent ensemble et non chacun pour soi.

Avec ses moyens pourtant limités, le budget de l’Union est avant tout un instrument de solidarité. Il est aussi un moyen d’investir dans la création de richesse et d’emplois, dans la recherche et l’innovation, dans les infrastructures qui permettent aux régions moins riches de rattraper leur retard. Chaque euro dépensé en moins représente plusieurs euros d’investissements en moins en raison de l’effet de levier des fonds européens.

Il ne s’agit pas seulement de pays comme la Grèce, l’Espagne, la Bulgarie, le Portugal ou l’Italie. Il s’agit également de certaines régions dans des pays riches : le Pays de Galles, les Länder d’Allemagne de l’est ou les régions du Nord de la Suède.

Un levier pour soutenir l’investissement

Le budget européen n’est pas une quelconque manne réservée aux pays moins prospères de l’Union. Ainsi par exemple, une large partie des fonds de la politique régionale en faveur des zones déshéritées est récupérée par l’industrie, le secteur de la construction ou les activités de conseil des pays riches de l’Union. Tout le monde profite du budget européen mais en cas de coupes sévères, ce sont les plus pauvres qui seront le plus pénalisé.

Disons le simplement : le budget de l’Union européenne est un levier pour soutenir des investissements et mettre en oeuvre des politiques déjà approuvées par les Etats membres. Celles notamment qui doivent permettre la transition écologique de l’économie européenne. Or, contrairement aux budgets nationaux, le budget de l’Europe ne peut se permettre d’accuser un déficit et ainsi produire de la dette: on l’oublie trop souvent. En réalité, pas moins de 94% du budget de l’UE  » retourne  » dans les 27 pays de l’Union et sert dans une moindre mesure à permettre à l’Union européenne de faire entendre sa voix dans le monde.

En plus, en approuvant unanimement le Traité de Lisbonne, les gouvernements des 27 pays de l’Union ont pris des engagements majeurs pour l’avenir : doter l’Europe d’instruments pour éviter les gâchis de la crise financière, pour mettre en place une vraie politique de l’énergie respectueuse de l’environnement, assurer un meilleur contrôle des frontières extérieures, jouer un rôle essentiel sur la scène mondiale et rester le champion du monde de l’aide aux pays pauvres de la planète.

Enfin, récemment, les 27 gouvernements se sont mis d’accord sur un « pacte de croissance » de 120 milliards d’euros dont une enveloppe de 55 milliards pour soutenir les petites et moyennes entreprises et lutter contre le chômage dramatique des jeunes. On ne peut prendre de telles décisions et quelques semaines plus tard dire » je ne paierai pas » ! Il ne s’agit donc pas de dépenser l’argent n’importe comment. Nous avons de solides arguments pour contrer ceux de quelques gouvernements conservateurs. Mais si l’austérité s’impose dans le budget européen alors nous ne sortirons pas de la crise. Si nous n’investissons pas, il n’y aura que des perdants, pays riches comme pays pauvres.

Hannes Swoboda, président de l’Alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates (S&D) au parlement européen

Catherine Trautmann, présidente de la délégation des socialistes français au parlement européen

Ivailo Kalfin (S&D) vice-président de la commission des budgets au parlement européen et co-rapporteur du cadre financier pluriannuelGöran Färm (S&D) député européen et porte-parole du groupe S&D sur le budget