Emmanuel Maurel, rapporteur. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, comme vous le savez toutes et tous, la Jordanie est l’une des premières victimes collatérales du chaos syrien et, à ce titre, elle est confrontée à des défis considérables qui, s’ils n’étaient pas surmontés, créeraient une situation d’instabilité encore plus grande.

Je ne reviendrai pas sur ce qui se passe en Jordanie, mais les conséquences économiques et sociales de ce qui se passe autour de ce pays sont évidemment considérables. Le tourisme a chuté brutalement, l’exportation est ralentie parce que les débouchés commerciaux naturels de la Jordanie, que sont la Syrie et l’Iraq, sont totalement dévastés, la croissance est en berne, le chômage a explosé. Nous avons donc un pays qui est à la fois stable politiquement, mais en grande difficulté économiquement et socialement.

En dépit de cela, la Jordanie doit faire face à un autre défi, un défi colossal et considérable, celui d’accueillir par centaines de milliers des réfugiés venant de ces pays en guerre, qui fuient les persécutions et la misère. Je rappelle qu’en Jordanie, les réfugiés sont moins dans des camps que dans les villes, où les autorités jordaniennes essaient de les insérer, de leur permettre de travailler, et tout cela avec beaucoup de dignité. Cela devrait interpeller ceux d’entre nous qui connaissent un peu la situation de ce pays, en tant qu’Européens également confrontés à cette crise des réfugiés, mais avec des réponses qui tardent parfois à venir et en tout cas une générosité dont nous ne faisons pas vraiment preuve.

Ainsi, face à cette situation exceptionnelle, les institutions européennes ont évidemment décidé de porter une aide, un secours à la Jordanie via ce que l’on appelle une « aide macrofinancière » (AMF). Bien sûr, il y a d’autres moyens pour aider ce pays, ce n’est pas le seul. D’ailleurs, la Commission travaille à une flexibilisation des règles d’origine pour les produits jordaniens et l’on évoque éventuellement la négociation d’un accord commercial qui soit à la fois asymétrique et progressif. Mais en tout cas, au sein de la commission INTA, nous avons discuté de cette aide macrofinancière et nous sommes parvenus à un premier accord.

Il y avait des éléments techniques puisqu’il fallait accepter des modifications introduites par le Conseil sur le texte de la Commission – cela ne nous a pas pris beaucoup de temps – mais évidemment, nous avons surtout parlé du montant. Il y a eu une unanimité au sein de la commission INTA, droite et gauche confondues, pour essayer de proposer un montant bien supérieur à celui suggéré par la Commission, qui n’était que de 200 millions d’euros. Il y a eu un débat intéressant. Nous estimions que les besoins de financement des Jordaniens étaient importants et que l’Europe avait largement les moyens de les aider. Il y a eu un débat, une discussion. Je remercie d’ailleurs Bernd Lange, président de la commission INTA, qui a beaucoup œuvré pour trouver un compromis. Nous sommes finalement parvenus à un compromis que j’estime acceptable, puisqu’il y aurait une première tranche de 200 millions d’euros qui seraient décaissés immédiatement mais avec la promesse, ou en tout cas l’engagement de la Commission, de faire de même au cours de l’année suivante. Voilà ce que propose ce rapport.

À titre personnel, je souhaite toutefois réitérer deux demandes que j’ai inscrites dans l’exposé des motifs. D’abord, je pense que la Commission doit faire preuve d’intelligence et de flexibilité dans les modalités de ce que l’on appelle « le protocole d’accord », c’est-à-dire qu’elle négocie avec les autorités jordaniennes et ne soit pas obsédée par les réformes structurelles dont le rythme serait trop hâté. Mais il ne faut surtout pas oublier que l’AMF n’est qu’un prêt; ce ne sont pas des dons. À un moment, à l’instar de ce que nous avions fait quand nous avions eu le débat sur la Tunisie avec Mme de Sarnez qui en était la rapporteure, il faudra évidemment que nous nous interrogions sur la renégociation de la dette jordanienne, qui risque d’être très importante dans l’avenir.

Voilà, chers collègues, Monsieur le Commissaire, Monsieur le Président, je tiens évidemment à remercier tous les rapporteurs fictifs qui, sur ce sujet, ont été très actifs et déterminés pour que le Parlement européen parle d’une seule voix sur un sujet qui est important, puisqu’il s’agit de l’avenir des pays de notre voisinage immédiat.

Emmanuel Maurel, rapporteur. – Monsieur le Président, je suis heureux de constater que quasiment tous les parlementaires qui se sont exprimés sont bien conscients de l’urgence de la situation en Jordanie et de la nécessité de lui apporter une aide financière substantielle, à quelques exceptions près, nous l’avons vu lors du débat.

Je voudrais rassurer certains collègues, à la fois M. Le Hyaric et Mme Gabriel: l’aide macrofinancière n’est qu’un outil parmi d’autres. Il y a bien sûr aussi: 1) ce que soulevait Mme de Sarnez, c’est-à-dire l’idée d’un travail sur la restructuration de la dette, qui me paraît totalement important et urgent, 2) les projets d’investissement auxquels Mme Gabriel faisait allusion, 3) l’esquisse d’une réflexion sur un partenariat commercial qui pourrait être fécond entre l’Union européenne et la Jordanie – je l’ai dit, mais peut-être pas assez clairement –, et 4) la somme de 200 millions – je reprécise – pour cette fois-ci et un engagement de la Commission pour la même somme, voire plus, l’année d’après. Le président Bernd Lange a bien rappelé que ce qui a été difficile dans notre négociation, c’était évidemment la position relativement inflexible du Conseil, alors même que, par ailleurs, nous multiplions les déclarations qui mesurent la gravité de la crise des réfugiés et cherchons des solutions pour en sortir.

Enfin, pour répondre au représentant du Front national – il n’est pas là, il a quitté l’hémicycle – qui s’est lancé dans une longue dissertation sur la politique étrangère de l’Union, je voudrais d’abord dire que nul n’ignore ici le sort des chrétiens d’Orient dans ce Parlement, mais nul n’ignore non plus le sort des Libanais. On peut d’ailleurs rappeler que, dans le cadre de la politique de voisinage, l’Union européenne a aidé, à de nombreuses reprises, le Liban: il y a un accord d’association, une aide technique financière et plus de 700 millions d’euros alloués exceptionnellement dans le cadre de la crise syrienne. Ce que je veux dire par là, c’est que, évidemment, l’Europe est totalement consciente de la situation dans ces pays et fait de son mieux pour contribuer à la résolution de cette crise, qui est une crise, en effet, très importante. Je vous remercie en tout cas pour ce débat et j’espère que le vote de demain sera le plus majoritaire possible – et je pense que c’est ce que les Jordaniens attendent aussi de nous.