A quelques voix d’écart, le Parlement européen a adopté cette semaine la résolution de la droite européenne sur l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). La résolution déposée conjointement par les députés socialistes, libéraux, verts et communistes a manqué seulement de 16 voix pour être adoptée, laissant donc le Parlement européen profondément divisé sur ce dossier crucial pour la protection des libertés fondamentales des citoyens.
Conçu à l’origine pour enrayer le développement de la contrefaçon à l’échelle mondiale, cet accord conclu finalement avec seulement 10 pays (et en l’absence notoire de la Chine) propose des solutions dangereuses à de nombreux égards.
Explications de Kader ARIF, porte-parole des socialistes européens sur ce dossier : « La Commission européenne a négocié un accord dont elle ne maîtrise pas les conséquences, ou pire, dont elle ignore délibérément l’impact sur les citoyens et leurs libertés fondamentales : sous couvert de lutte contre la contrefaçon, elle ouvre la voie à la fouille de nos ordinateurs ou lecteurs MP3 au passage des frontières, c’est tout simplement inacceptable. De surcroît, l’accord crée l’amalgame entre médicaments contrefaits et médicaments génériques, risquant de limiter l’accès des pays en développement aux médicaments essentiels dont ils ont besoin. Enfin, sur des questions essentielles comme la reconnaissance à l’étranger des AOC pour nos produits du terroir, l’accord ne permet aucune avancée. Le bilan est simple : le compte n’y est pas. »
Catherine TRAUTMANN, Présidente de la Délégation Socialiste Française au Parlement européen, souligne également l’impact attendu de l’accord sur la liberté du net : « l’ACTA appelle à la coopération entre les fournisseurs d’accès à internet et les industriels, est-ce que cela implique la transmission des données personnelles des internautes et de leurs activités sur internet ? Nous craignons une remise en cause du principe de la non-responsabilité des fournisseurs d’accès à internet via cet accord international, et jusqu’à présent la Commission ne nous a pas donné les garanties nécessaires. »
Pour Kader ARIF, le vote d’hier marque une division profonde entre droite et gauche au Parlement européen : « la droite européenne et ses membres de l’UMP ont voté contre notre résolution conjointe, qui demandait des études d’impacts et des engagements concrets de la Commission avant la signature de l’ACTA. En donnant un tel blanc-seing à la Commission, la droite divise et affaiblit le Parlement, ce qui pourrait bien conduire au rejet pur et simple de l’accord. Cette attitude est irrespectueuse des préoccupations légitimes des citoyens et totalement irresponsable en cette période de renforcement des pouvoirs du Parlement suite à l’adoption du traité de Lisbonne. »