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Rapporteure de la commission spéciale du Parlement sur la crise Pervenche Berès (S&D, France) a rendu public le 28 mars un projet ambitieux pour relancer la croissance et l’emploi. Elle y préconise un saut quantique dans l’intégration politique et économique: union budgétaire, trésor européen, agence européenne de la dette et coordination fiscale…
Les membres de la commission CRIS ont jusqu’au 13 avril pour déposer leurs amendements à ce projet et devraient se prononcer le 30 mai. Le rapport sera ensuite soumis pour adoption à la plénière de juillet.
Concrètement, quels effets le Parlement peut-il espérer de ce rapport?
Pervenche Berès: On s’est mis au travail en juin 2009, parce que l’approche de la Commission n’était pas aussi transversale et holistique que le PE ne le souhaitait. L’idée générale était de donner les éléments d’une réponse globale à la crise.
L’effet escompté est d’envoyer un message fort au Conseil et à la Commission, et qu’il y ait une petite musique dans le débat public qui soit autre que celle qui sort du Conseil et de la Commission. Mais les propositions ne verront le jour que s’ils daignent les écouter.
Vos propositions sont radicales. Peuvent-elles réunir une majorité politique au Parlement?
Je n’accepterai pas d’être submergée par les amendements des collègues. Selon moi, même si on peut dire que ce projet de rapport est à gauche, il est surtout très européen. Or mes interlocuteurs du PPE sont très allant sur les questions européennes. Normalement, même de leur côté, que ce soit sur le budget ou sur la révision du traité, il devrait y avoir un accord pour faire passer ce message là.
Est-il réaliste de proposer des solutions fédérales alors que l’euroscepticisme gagne du terrain dans les opinions publiques?
Si la gauche l’emportait en France et en Allemagne en 2012, ça changerait la petite musique tant au Conseil qu’à la Commission. Les opinions publiques sont anti-européennes car on n’a pas su donner à l’Europe les moyens de faire ce qu’elle a à faire. La question de l’ensemble européen, on ne la pose jamais. On laisse chaque pays être montré du doigt par les marchés et rendre gorge au nom de leur culpabilité passée. Ce n’est pas comme ça qu’on crée de la marge de manœuvre. Il y a un effet boomerang qui peut être dangereux.
Vous préconisez la création d’une Communauté européenne de l’énergie. Comment y parvenir ?
Le grand emprunt pour l’investissement en matière de recherche et de développement sur les énergies renouvelables, on n’y est pas encore, et la Communauté européenne de l’énergie non plus. Il faut continuer de mettre la pression. Pour ça, il faudrait avoir à la tête de la Commission européenne quelqu’un d’autre que M. Barroso. La valeur ajoutée de l’intégration européenne ce n’est pas aux États membres de la créer mais à la Commission de l’incarner.
Lors de la précédente législature, vous avez présidé la commission des affaires économiques et monétaires. Qu’attendez vous du paquet sur la gouvernance économique?
J’ai beaucoup d’inquiétudes sur les chances de succès de ce qui est en cours. On refait les mêmes choses qu’avant, avec plus de sanctions. Or les sanctions, c’est comme l’arme nucléaire: ce n’est pas parce que vous en rajoutez que ça crée plus de confiance. On reste dans une approche très quantitative.
En outre, la ratification de la modification du traité – qui doit permettre de pérenniser le Fonds européen de stabilité financière – va être un cauchemar parce qu’Anglais, Suédois, et autres, chacun va en profiter pour faire son marché.
La position du Parlement sur ce paquet législatif doit être adoptée fin avril. Où en sont les négociations entre groupes politiques?
En tant que S&D nous avons fait de la question de l’investissement public l’alpha et l’oméga de notre capacité d’accord sur le reste. Le Parlement est dans une logique d’inclusion. Mais s’ils veulent aller au clash, l’ECR, le PPE et l’ALDE peuvent former une alliance, et nous serions minoritaires. Cette éventualité se dessine par moments. Mais la négociation n’est pas terminée.
Jessica Trochet
Clément Le Bris