Pervenche Berès, rapporteure. Monsieur le Président, en abordant ce rapport, ce Parlement aborde la question de la légitimité démocratique lorsque l’on parle de politique économique.

 

À un moment où chacun s’interroge sur la façon dont sera traitée la politique économique et sur le sort que le prochain sommet du Conseil réserve à cette politique économique pour les pays membres de la zone euro, il est important que ce Parlement européen se prononce pour fonder ce que serait une légitimité démocratique de la discussion d’une politique économique coordonnée au niveau européen.

 

La Commission européenne a lancé l’idée d’un semestre européen pour orienter ce débat avant qu’il ne se déroule dans les parlements nationaux. Nous considérons que dans le cadre de ce semestre européen, autour de l’examen annuel de la croissance que la Commission européenne met sur la table comme document fondateur de cette discussion, nous devons, en tant que Parlement européen, pouvoir intervenir.

 

Nous considérons que ce document doit être un document d’orientation de la politique économique et c’est pour cela que nous proposons que la Commission, à l’avenir, qualifie ce document de ce qu’il est, à savoir non pas un examen annuel de croissance, mais bien un document d’orientation de la politique économique de croissance soutenable. Car, sinon, nous voyons bien qu’au niveau des chefs d’État et de gouvernement, la coordination des politiques économiques se déroulerait dans un tout autre cadre, par exemple celui d’un pacte pour l’euro plus, ou de je ne sais quelle autre procédure qu’ils pourraient inventer demain.

 

Non, nous avons besoin d’un document issu de la Commission pour orienter cette discussion, qui tienne compte à la fois des objectifs de la stratégie Europe 2020, d’une part, et, évidemment, du pacte de stabilité. Pour cela, nous demandons aussi que ce Parlement européen puisse intervenir dans l’immédiat avec des pouvoirs de quasi-codécision avant le Conseil européen de printemps, et que le Président de cette institution, lorsqu’il nous représente au Conseil européen de printemps, puisse défendre, sur la base du mandat que nous lui donnerons, des amendements à cette stratégie, à cette orientation de politique économique. Nous demandons aussi qu’à l’avenir, ces pouvoirs soient reconnus comme étant des pouvoirs explicites de codécision.

 

Dans l’ensemble de ce processus, nous considérons que notre coopération avec les parlements nationaux doit absolument contribuer à fonder cette légitimité démocratique. Cela signifie qu’au mois de février, avant le Conseil européen de printemps, nous devons – sur la base de ce qui a déjà eu lieu et qui doit se développer au sein de ce Parlement à l’initiative de la commission des affaires économiques et monétaires, mais également en association avec d’autres commissions, comme la commission de l’emploi, la commission des budgets, la commission du marché intérieur – organiser cette rencontre avec les parlements nationaux pour échanger avec eux sur ce que sera cette orientation de la politique économique. Nous devons ensuite, après le Conseil européen, peut-être dans un format plus réduit, organiser un nouvel échange au moment où les parlements nationaux eux-mêmes doivent valider les programmes nationaux de réforme.

 

Enfin, nous considérons que ce Parlement, bien sûr, devra s’adapter à cette nouvelle donne s’il veut pouvoir être acteur dans ce débat qui fonde la légitimité démocratique de l’ensemble du processus. Pour cela, nous savons que nos rythmes, nos pratiques devront s’adapter à ce qui est en train de se mettre en œuvre à la fois au niveau du Conseil et de la Commission et nous disons avec ce rapport que nous y sommes prêts.

 

Enfin, s’agissant de la perspective encore incertaine d’une éventuelle révision du traité, nous le disons avec force: ce Parlement, au lendemain du traité de Lisbonne, dispose de droits qui en font un acteur incontournable d’une révision des traités. Nous avons déjà été consultés une fois s’agissant de la révision du traité pour mettre en place le mécanisme européen de stabilité, et à ce moment-là, nous avons autorisé cette révision sans convention. Nous affirmons aujourd’hui, compte tenu des sujets qui seraient potentiellement en discussion, que nous n’accepterons pas qu’une telle révision se fasse sans convention.

 

Il faudra discuter avec ce Parlement tant du calendrier que du contenu d’une telle révision, qui ne pourrait se résumer à une saisine de la Cour de justice pour  transformer la politique économique en une politique de la concurrence. Nous voulons que ce mandat soit un mandat qui permette d’asseoir ce qui fonde la politique économique de l’Union européenne, une politique de solidarité et de croissance assise sur la légitimité démocratique.

 

Nous demandons aussi, en ce qui concerne la méthode, que ce Parlement puisse être associé, ainsi que les parlements nationaux, par la voie d’une convention. C’est cela qui fait la valeur ajoutée de l’Union européenne, sa légitimité démocratique.

 

Pervenche Berès, rapporteure. Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, je voudrais d’abord répondre à Mme Vicky Ford, qui nous a abandonnés.

 

C’est étonnant de voir une parlementaire britannique s’inquiéter de ce qu’un Parlement se préoccupe de légitimité démocratique. Cela ne ressemble pas à la conception que j’ai de la démocratie vue du Royaume-Uni. Je veux aussi lui dire que, justement, si nous insistons tant pour que le Parlement européen soit codécisionnaire dans la définition de ses orientations de politique économique, c’est que nous pensons que, au-delà de la consolidation budgétaire, c’est un des moyens de faire prendre en compte nos préoccupations en termes de croissance, en termes de financement des besoins d’innovation, de recherche, d’investissement dans le domaine industriel.

 

Monsieur le Président du Conseil, je voudrais vous remercier de votre insistance sur la méthode communautaire et vous dire que, bien sûr, si les États membres sont souverains, nous devons aussi tenir compte des enseignements de cette crise.

 

Un des enseignements de cette crise, c’est que la coordination ex ante des politiques économiques des États membres n’a pas assez fonctionné. Pour qu’elle fonctionne bien, sur une base acceptable, démocratique, dans le respect de ce qu’est l’institution communautaire, je vous invite, ainsi que vos successeurs, au nom de la Présidence danoise, à tenir le plus grand compte des observations que ce Parlement fera sur l’examen annuel de la croissance 2012.

 

Monsieur le Commissaire, vous avez souhaité que cet exercice ne soit pas qualifié de technocratique. Il ne tient qu’à nous d’en faire un exercice politique d’orientation de la politique économique. Je crois que ce rapport y contribue et j’espère, Monsieur le Commissaire, que vous serez à nos côtés pour améliorer la procédure et pour que le Conseil tienne effectivement compte des observations que ce Parlement européen fera. Nous serons au rendez-vous lors de la session de février, avec des observations sur le fond, afin que, ensemble, nous soyons plus efficaces.