Pervenche Berès, auteure. − Monsieur le Président, nous avons souhaité poser cette question orale à la suite de la communication que le commissaire Andor, avec le collège, a mise sur la table dans la perspective, à la fois, du débat qui s’annonce lors du Conseil européen de juin où la question de savoir quelle est la dimension sociale de l’Union économique et monétaire devra être débattue, mais aussi d’un cadre pluriannuel de nos finances où l’enjeu de l’investissement social au regard de l’utilisation du budget de l’Union européenne sera au cœur des préoccupations.
Nous savons qu’au sein de l’Union européenne, et particulièrement au sein de la zone euro, les pays où le risque de pauvreté et d’exclusion sociale est le plus fort sont aussi ceux qui, le plus souvent, ont un déficit par habitant des plus élevés. Il y a donc intérêt, si nous voulons sortir de la crise économique dans laquelle nous sommes, à investir socialement. C’est aussi un gage d’efficacité puisque les sociétés les plus efficaces, les États membres les plus efficaces sont ceux où l’investissement social est maintenu, que ce soit en période de crise ou pas, à un niveau élevé. C’est la raison pour laquelle, évidemment, sous l’angle budgétaire, nous accordons énormément d’importance à ce que 25 % des fonds de cohésion puissent être dédiés au Fonds social européen. C’est aussi la raison pour laquelle nous soutenons cette proposition d’une garantie de six milliards d’euros dédiés à l’initiative pour l’emploi des jeunes, même si nous refusons qu’une telle initiative serve de solde de tout compte en matière de financement de l’investissement social. Et je pense qu’il faut y prendre garde.
Mais nous souhaitons aussi que lorsque, dans le cadre du semestre européen, la Commission européenne examine la situation des États membres, elle accorde autant d’importance à cet enjeu de l’investissement social. Finalement, pas à pas, nous devons construire une gouvernance équilibrée qui conduise d’abord à avoir les bons outils. C’est le fameux enjeu autour de cette discussion sur ce qu’on appelle, en bon Européen, des scoreboards, des tableaux de bord qui nous permettent, à partir d’indicateurs chiffrés, de disposer d’un observatoire aussi attentif aux déséquilibres sociaux que nous le sommes depuis tant d’années aux déficits publics ou aux niveaux de dettes.
Un tel tableau de bord doit contribuer à alimenter – nous semble-t-il – le mécanisme de surveillance des déséquilibres macroéconomiques, mais doit aussi, de manière autonome, permettre de piloter l’investissement social.
Pour cela – et c’est une réflexion personnelle –, je pense que l’équilibre au sein des conseils doit être corrigé. Cette dynamique, cet investissement social dont chacun prend conscience, qui est tant nécessaire aujourd’hui, ne se fera pas dans l’équilibre des conseils tels qu’ils existent aujourd’hui où c’est le Conseil ECOFIN qui, d’une certaine manière, joue le chef d’orchestre. Le chef d’orchestre devrait être le président Herman Van Rompuy et/ou le président Barroso. Chacun choisira son architecture institutionnelle. Mais au sein de ces structures, l’équilibre entre les commissaires, l’équilibre entre les conseils, doit être meilleur car, sinon, il n’y a pas d’arbitrage possible en faveur d’une stratégie qui nous permette de sortir de la crise et qui permette à l’investissement social d’être porteur de la triple dynamique qui doit être la sienne, à la fois le maintien des systèmes de protection sociale, la création de stabilisateurs automatiques et l’investissement social en tant que tel, puisque nous savons bien que les principaux défis que connaît l’Union européenne sont ceux auxquels l’investissement social doit permettre de répondre.
Quels sont les défis de l’Union européenne? Ce sont ceux, nous dit-on toujours, de l’innovation, de la capacité d’avoir la population la mieux éduquée pour relever les défis à l’échelle globale. Nous n’y parviendrons pas si nous ne légitimons pas pleinement le soutien à travers des stabilisateurs automatiques à ceux qui sont exclus du monde du travail, si nous n’investissons pas pour remettre chacun au travail, si nous n’investissons pas pour lutter contre la pauvreté au travail ou en dehors du travail et si nous ne permettons pas que l’éducation reste la vraie règle d’or du modèle social européen.
Pervenche Berès (S&D), question « carton bleu ». – Chère collègue, j’ai entendu votre plaidoyer, mais j’ai l’impression que, dans votre énumération, vous oubliez certains épisodes, comme lorsque certains ont imaginé que la sortie de crise pour l’Union européenne passerait par un « pacte euro plus » qui niait totalement toute dimension de l’investissement social ou lorsque certains gouvernements se sont engagés à supprimer le fonds d’aide aux plus démunis.
Je voudrais donc aussi que nous ayons une mémoire un peu active et que nous nous rendions compte du changement d’orientation intervenu depuis certaines élections que, manifestement, vous souhaitez ne pas mentionner et dont vous pensez pouvoir faire la critique. Je crois qu’il faut aussi que vous cherchiez dans votre propre camp la responsabilité de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui.