Catherine Trautmann, rapporteure. − Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, le débat de ce matin s’intègre parfaitement dans l’actualité.
La Commission européenne vient de publier une nouvelle proposition. Le Conseil européen discutera, cet après-midi, de pistes pour un marché unique du numérique. Mon rapport a été élaboré avant ce nouveau texte, mais l’unanimité dont il a bénéficié lors du vote en commission de l’industrie, de la recherche et de la technologie en a validé tant la méthode que le fond. Je m’en réjouis car le Parlement aura exprimé sa voix.
Nous le savons, le numérique est l’un des principaux vecteurs de croissance. Nous attendions du paquet Telecom et de sa transposition qu’ils accélèrent les investissements réalisés par le secteur. Nous n’avons pas eu entière satisfaction sur ce point. Bien sûr, la transposition du paquet a pris plus de temps que prévu. Elle était fixée à mai 2011, mais le dernier État membre ne l’a achevée qu’en janvier 2013. Là n’est cependant pas la seule raison de notre insatisfaction.
C’est donc autour de ce constat général que s’articule mon rapport. J’y dresse un bilan entre les objectifs du paquet et les faits, en essayant de tirer les enseignements sur ce qui pourrait être amélioré. J’y mentionne un certain nombre de points qui ont fonctionné, tel que le mécanisme de corégulation, qui a permis d’améliorer la cohérence réglementaire intraeuropéenne, mais aussi, et c’est là toute l’importance de ce rapport, d’autres éléments qu’il faudrait modifier.
Je pense à l’harmonisation en matière de fréquences, à une meilleure coordination dans les calendriers d’attribution des licences ou encore à d’autres sujets que nous appelons de nos vœux depuis bien longtemps déjà, comme la question de l’inclusion du haut débit dans le service universel. La Commission nous avait promis d’avancer une proposition sur ce point lors des négociations sur le paquet en 2009. Nous sommes en 2013 et, pour l’instant, je n’ai rien vu venir. Je pense que nous aurions pu nous appuyer sur ces bases, saisir les occasions que le cadre donne, comme l’identification des marchés transnationaux, une première étape vers le fameux marché unique numérique. La Commission a préféré une autre stratégie et a publié cette nouvelle proposition de règlement sur laquelle, selon ses termes, les colégisateurs sont tenus d’arriver à un résultat avant la fin de la législature.
Mais, Madame la Commissaire, sans obérer la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons, nous avons besoin de temps pour consulter et débattre afin d’éviter de légiférer à l’emporte-pièce et de garantir une cohérence juridique pour les acteurs du secteur. Le remède ne doit pas être pire que le mal. En effet, nos acteurs européens dans le numérique ont certes besoin d’être stimulés, mais ils ont surtout besoin de stabilité, de visibilité et surtout pas d’un regain de complexité avec, sous couvert de simplification, la création d’un système assez complexe d’autorisations uniques dont la valeur ajoutée reste encore à démontrer, si j’en crois mes premières consultations.
Le devoir, mais aussi le privilège de la Commission est de proposer et non pas d’imposer. Or, nous nous sentons, il faut le dire, mis sous pression pour obtenir un résultat coûte que coûte. C’est la raison pour laquelle je souscris en grande partie à la question de mon collègue Chichester.
Un autre exemple: depuis 2009, nous attendions une législation contraignante sur la neutralité de l’internet. Nous pourrions nous féliciter que ce thème soit présent dans la proposition, mais nous attendions de la Commission qu’elle apporte des réponses, qu’elle clarifie les définitions, qu’elle donne les garanties nécessaires. En l’occurrence, tout porte à croire que nous avons affaire à une belle architecture, mais dont la pierre angulaire, la définition de ce qu’un utilisateur peut attendre de son accès au best effort internet serait encore instable. Il y a de bonnes choses, le spectre par exemple, mais cela ne suffit pas. Bien sûr, nous avons besoin d’initiatives, mais il nous faut aussi la perspective.
Côté Parlement, nous sommes pragmatiques. Il ne s’agit pas d’avoir une réflexion philosophique. Nous sommes tous convaincus des bienfaits d’un marché unique, mais la question est de proposer les bons outils pour créer un véritable effet de levier. Il ne me semble ainsi pas possible de réviser la réglementation en six mois mais nous pouvons mettre à profit cette période qui nous sépare des élections pour élaborer un canevas solide dont le prochain Parlement pourra se saisir.
Catherine Trautmann, rapporteure. − Monsieur le Président, Madame la Commissaire, je voudrais vous rassurer. Nous sommes un Parlement responsable et comme mes collègues l’ont exprimé ce matin, nous mesurons parfaitement notre responsabilité pour légiférer sur un texte qui mette du lien, de la cohérence, un texte qui donne confiance aux investisseurs pour créer de l’emploi au bénéfice des consommateurs. Notre cahier des charges, nous le connaissons. Vous nous avez fait une proposition. Nous saurons dégager ce qui est prioritaire et ce qui devra nous mobiliser pour travailler utilement pour nos concitoyens.
Je me réjouis aussi que le Conseil planche aujourd’hui sur une stratégie globale sur le numérique. En effet, j’attendais dans la proposition que vous nous avez soumise une stratégie industrielle, des orientations sur la normalisation et, bien sûr, un certain nombre de pistes sur la fiscalité. J’ai écouté M. Barroso hier et j’ai beaucoup apprécié que soit mis en place un groupe d’experts qui travaillera précisément sur l’aspect de la fiscalité.
Au vu de tout ce qui est mis sur la table, l’ensemble du Parlement, d’ici la fin de son mandat, autour des collègues rapporteurs, travaillera à dégager ce qui sera utile pour permettre au prochain Parlement d’enchaîner. C’est bien l’intention que nous avons. Nous n’avons pas l’intention de travailler sans parvenir un résultat. Nous savons pertinemment que nous serons aussi jugés par les électeurs, qui attendent des réponses sur ces questions. Nous avons travaillé sur la protection des données, sur le cloud, sur les aspects des droits des consommateurs, sur les contrats, sur la transparence et ce Parlement peut se targuer de résultats significatifs qui montrent aujourd’hui qu’il est aussi un exemple dans le monde.
Mais nous savons que nous devons accélérer pour suivre l’évolution technologique et répondre aux prochains défis. Soyez rassurée, Madame la Commissaire, nous travaillerons, mais nous travaillerons librement, intensément, et nous saurons présenter notre bilan à l’ensemble de nos concitoyens.
Pour terminer, Monsieur le Président, encore un mot parce que j’avais un point d’interrogation. Vous avez dit, Madame la Commissaire, que vous n’aimez pas – je vous cite – les gens qui ne disent pas la vérité. Dans ce Parlement, je crois que tout le monde s’est exprimé sincèrement. Le débat était utile et je voudrais vous remercier, Madame la Commissaire, d’y avoir vous-même contribué.