Bernadette Vergnaud, rapporteure. − Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues, aujourd’hui, nous allons nous prononcer sur ce texte-clé, aboutissement d’un long travail, au sein de ce Parlement, avec la Commission, le Conseil et, bien sûr, les professionnels et la société civile. Lorsque la commission du marché intérieur m’a chargée, au début de ce mandat, de la responsabilité du groupe de travail sur les qualifications professionnelles, je n’aurais pas osé imaginer que quatre ans plus tard, nous serions parvenus à ce résultat, et je tiens ici à remercier toutes celles et tous ceux qui y ont contribué.

Cette directive constitue une réelle avancée sur de nombreux points, notamment la création de la carte professionnelle européenne, que je réclame depuis six ans.

Cette carte doit faciliter et accélérer les démarches pour les professionnels, améliorer les échanges entre les autorités nationales compétentes et sécuriser les patients et les clients par une vérification accrue des diplômes et des références. Elle est aussi un outil de citoyenneté européenne. Nous sommes parvenus à en faire une réalité, malgré les frilosités constatées au sein des États membres. Nous avons pris en compte les différentes problématiques, qu’il s’agisse des délais, qui semblaient impossibles à tenir pour les autorités compétentes, ou de l’accord préalable des professionnels au lancement d’une carte.

(La Présidente interrompt l’oratrice)

Une autre avancée est la reconnaissance des stages, rémunérés ou non, effectués à l’étranger dans le cadre d’une formation à une profession réglementée. C’est le complément des échanges universitaires comme Erasmus. Les objectifs et le contenu du stage doivent donc être définis préalablement par écrit, ce qui est une garantie pour les étudiants.

La question du droit à l’accès partiel à une profession, issu de la jurisprudence, causait beaucoup d’inquiétudes, notamment pour les professions de santé. Nous avons donc précisé que l’État d’accueil évaluait la possibilité au cas par cas, en pouvant la refuser pour des raisons impérieuses d’intérêt général. Cet accès partiel ne s’applique pas aux professions bénéficiant de la reconnaissance automatique ou d’un cadre commun de formation.

Ces cadres communs de formation, que j’ai vivement encouragés, comme de nombreux professionnels, doivent constituer une véritable passerelle vers la reconnaissance automatique. Le fait qu’il n’y ait que sept professions bénéficiant de la reconnaissance automatique est non seulement un frein à la mobilité mais empêche également le développement d’une approche commune en faveur d’un contenu qualificatif des formations, source d’efficacité, de compétitivité, donc de croissance pour l’Europe. Je crois que nous sommes parvenus à un outil beaucoup plus souple et prometteur que le système actuel des plateformes communes.

La qualité de la formation, nous allons aussi pouvoir l’améliorer par l’éducation et la formation continue. Je me réjouis ainsi que nous soyons parvenus à nous entendre sur l’obligation pour les États membres de garantir que tous les professionnels bénéficiant de la reconnaissance automatique peuvent mettre à jour leurs compétences par le développement professionnel continu.

Nous avons aussi assuré la remise à niveau des socles communs de formation, que ce soit en matière de durée ou de contenu des cursus, mais je n’entrerai pas ici dans le détail.

Je voudrais toutefois évoquer la profession de sage-femme, car je me félicite que nous soyons parvenus à maintenir le passage à douze ans d’éducation générale pour l’accès à cette formation, malgré les difficultés que cela pouvait poser à certains États, qui ont su prendre leurs responsabilités. Par ailleurs, nous avons amélioré le socle de compétences, notamment avec l’ajout d’une formation à la pharmacologie.

Je voudrais bien sûr aussi mentionner les infirmières, au sujet desquelles nous avons eu de longues et complexes discussions, avant de parvenir à un compromis satisfaisant, grâce à une liste de compétences qui doivent être acquises par les infirmières diplômées. Cette liste correspond à des standards élevés et actualisés, et met l’accent sur l’exercice indépendant de cette profession. C’est un réel progrès, et je veux ici remercier tous ceux qui y ont contribué et, bien entendu, les associations professionnelles. Ce n’est pas anodin, car c’est la profession la plus mobile.

Enfin, je dois évoquer les dispositifs qui créent une sécurité pour les citoyens. Au-delà de la carte et du système d’information sur le marché intérieur (IMI), qui doivent permettre de vérifier dans les meilleurs délais l’authenticité des documents, communiquer des alertes en cas de suspension du droit d’exercice d’un professionnel, la directive prévoit aussi l’encadrement des tests linguistiques. Il est indispensable, pour des questions de sécurité, de pouvoir vérifier la connaissance adéquate de la langue, avant exercice, notamment pour les professions de santé. Ce contrôle doit s’effectuer sous la supervision de l’autorité compétente et être limité à une langue officielle, ce qui me semble être un juste équilibre pour assurer la sécurité des patients sans discriminer les professionnels.

Je vous remercie de votre attention et j’espère un débat riche, à la hauteur des enjeux que porte ce texte pour l’avenir des Européens.

Bernadette Vergnaud, rapporteure. − Madame la Présidente, les différentes interventions montrent, je crois, que nous sommes parvenus à un résultat équilibré au service des citoyens, ce qui est l’ambition de l’Acte pour le marché unique.

J’ai entendu, toutefois, les critiques sur la question des contrôles linguistiques. Je souhaite tout d’abord rappeler que ce compromis a été élaboré en étroite collaboration avec le Conseil, et en premier lieu, avec les délégations des États membres concernés.

Je rappelle que c’est un progrès, puisque le contrôle doit avoir lieu avant de pouvoir exercer la profession. De plus, les États membres d’accueil peuvent encourager les professionnels à acquérir une autre langue à un stade ultérieur, si c’est nécessaire, pour l’exercice de leur activité. Il est, par ailleurs, de la responsabilité des employeurs de faire en sorte que les patients puissent s’exprimer dans leur langue. La limitation du contrôle à une langue doit éviter des mesures discriminatoires déguisées. Pourquoi une infirmière néerlandaise désirant s’établir en Flandres devrait-elle se voir refuser le droit d’exercer si elle ne parle pas le français?

Je sais bien que des élections auront prochainement lieu dans certains pays, mais il serait regrettable que cette directive qui peut apporter beaucoup à nos concitoyens soit prise en otage par des postures et des agendas nationaux, alors que nous avons tous fait des efforts considérables pour parvenir à ces compromis. Il a en effet fallut surmonter bien des difficultés, des réticences et des craintes, et je tiens, encore une fois, à rendre hommage au travail collectif des shadow rapporteurs, de tous les collaborateurs, des administrateurs du Parlement, des équipes de la Commission, des négociateurs du Conseil, et notamment de la présidence irlandaise, et à les remercier pour leur souci constant d’élaborer des compromis constructifs, dont les législateurs que nous sommes pouvons être fiers.

Chers collègues, je vous demande maintenant d’apporter votre soutien massif à cette directive qui apporte une réelle valeur ajoutée européenne au service des citoyens, leur démontrant que le marché unique n’est pas qu’une zone de libre-échange mais aussi le fondement de richesses et de valeurs partagées.

J’appelle les États membres à la transposer le plus rapidement et le mieux possible, et j’espère qu’une carte professionnelle concrétisera sous peu tous les bénéfices contenus dans cette directive.