Sylvie Guillaume (S&D). Monsieur le Président, je crois qu’il est toujours utile de rappeler un certain nombre d’engagements, et notamment celui d’octobre 2008, au travers du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui annonçait que le moment était venu de prendre de nouvelles initiatives pour achever la mise en place du régime d’asile européen commun et offrir ainsi un niveau de protection plus élevé au sein de l’Union européenne.

Plus de deux ans après cette promesse, les propositions de la Commission sont sur la table des négociations. Force est toutefois de constater que ce régime d’asile européen et le processus d’harmonisation peinent un peu à voir le jour.

La décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme constitue, selon moi, un tournant important. Bien évidemment, elle met en lumière les défaillances du système grec d’asile mais elle envoie aussi un message fort à l’heure où la Grèce entreprend de réformer son système d’asile et, dans le même temps, de prendre d’autres types d’initiatives.

Mais au‑delà d’une situation particulière, c’est plus généralement le système d’asile européen dans son ensemble que cette décision remet en question, notamment sur un de ses fondements, qui est le règlement de Dublin et son postulat de départ, selon lequel les systèmes nationaux d’asile sont équivalents au sein de l’Union. Cette décision démontre comment, paradoxalement, le système d’asile européen commun a créé une sorte d’injustice à la fois pour les demandeurs d’asile et pour les États membres.

Après cette décision, une action claire s’impose dans l’immédiat. Dans l’attente d’un système d’asile grec opérationnel, les États doivent suspendre les renvois des demandeurs d’asile vers la Grèce et user de la clause de souveraineté dudit règlement qui leur permet de prendre en charge l’examen d’une demande.

L’arrêt de la CEDH envoie aussi un signal à toutes les parties prenantes. Cette décision doit, selon moi, servir de catalyseur dans le processus d’harmonisation et de refonte, notamment du règlement de Dublin.

En premier lieu, il s’agit bien sûr du mécanisme de suspension des transferts que je viens d’indiquer, qui est proposé par la Commission. L’arrêt de la CEDH donne un éclairage nouveau sur ce mécanisme, d’une part, et sur la solidarité intraeuropéenne, d’autre part. L’arrêt devrait pouvoir relancer les discussions sur la nécessité d’un mécanisme de suspension, comme je l’indiquais, dans des conditions clairement déterminées.

Deuxièmement, au‑delà de ce mécanisme, l’arrêt devra également servir de levier, du moins je l’espère, pour soutenir, au cours des négociations, les autres amendements du règlement qui sont proposés par la Commission et, entre autres, ceux sur les garanties octroyées dans ce dispositif.

Enfin, l’arrêt de la CEDH devrait permettre d’engager une réflexion concernant le concept de vulnérabilité inhérent à la situation des demandeurs d’asile et rendre nécessaire la mise en place d’un recours suspensif pour ces demandeurs sous le coup d’une décision de transfert, en application du règlement de Dublin.

Aujourd’hui, beaucoup de clignotants sont au rouge; ils nous indiquent qu’il est temps de réformer ce règlement et de construire un véritable régime d’asile commun fondé sur une approche solidaire et responsable.