Pervenche Berès, auteure. − Monsieur le Président, Monsieur le Représentant du Conseil, cette question vous est adressée car ce Parlement européen ne comprend pas ce qui se passe au Conseil.

 

En décembre, nous avons soutenu à une très large majorité la proposition de la Commission de maintenir le mécanisme du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation dans sa dimension crise. Nous voyons une situation totalement bloquée au Conseil, dans une incohérence que nous ne comprenons pas car peut-on dire que la crise est finie? Peut-on dire que ce fonds n’a pas été utile pour tenir compte des effets de cette crise sur les travailleurs?

 

Aujourd’hui, les perspectives de croissance sont entre 0,5 % et 3 % pour le PIB européen. Ou M. Draghi se trompe-t-il lorsqu’il cite ces chiffres pour la future croissance européenne? La Commission elle-même a prévu une récession économique de 0,3 % pour l’ensemble de l’Union européenne dans ses dernières projections du mois de février, alors même qu’en novembre 2011, elle tablait encore sur une progression de 0,5 % pour 2012. Où est la fin de la crise?

 

La crise pour les salariés de l’industrie menace l’existence même du sentiment européen. Elle favorise un scepticisme vis-à-vis de l’Union européenne. Elle conduit à tourner le dos à ce qui fait notre « vivre ensemble » et elle tourne le dos aux éléments d’une justice sociale que nous pourrions apporter. Les demandes effectuées au titre du critère « crise » n’ont fait que progresser puisque cette crise est encore là.

 

Je dois vous dire, Monsieur le Président, qu’à la commission de l’emploi et des affaires sociales, nous avons eu l’occasion d’entendre des experts espagnols et lituaniens venus nous dire combien ce mécanisme de crise était précieux. Mais, plus encore, je veux témoigner ici de l’intervention de l’autorité publique allemande. Le directeur du groupe Fonds européen pour l’emploi a témoigné combien ce mécanisme était exemplaire pour faire vivre l’innovation sociale et permettre aux travailleurs victimes de cette crise de trouver une réponse européenne à leurs problèmes. Pourtant, son gouvernement, aujourd’hui, constitue une majorité pour bloquer la prolongation de ce mécanisme. Nous ne le comprenons pas et vous demandons, au nom de la présidence de l’Union européenne, d’engager toute votre force pour sortir de cette impasse.

 

Je prends au mot ceux qui plaident en permanence pour plus de flexicurité. La flexibilité est là avec les licenciements massifs, jour après jour nous voyons des emplois être supprimés. Assurez un tout petit peu de sécurité, permettez à ces travailleurs d’assurer une formation, une transition dans leur adaptation à la situation nouvelle qu’ils connaissent. Je m’inquiète car si telle est la position du Conseil, aujourd’hui, sur la prolongation du mécanisme de crise, qu’en sera-t-il demain lorsque, dans le cadre des perspectives financières, nous négocierons l’extension de mécanismes à l’ensemble des agriculteurs victimes des accords de libre-échange? Il y a un moment où, au Conseil, il faudra choisir entre une solidarité de fait et une solidarité virtuelle.

 

Nous préférons des preuves aujourd’hui et nous pensons que l’heure n’est pas venue de voir de belles déclarations sur la croissance qui, un jour peut-être, aboutira à des créations d’emplois, et de supprimer ce qui fait un des rares outils dont l’Union européenne dispose pour venir concrètement en aide, en soutien, en solidarité, aux travailleurs victimes de la mondialisation mais d’abord dans sa dimension crise.

 

Nous comptons sur vous, Monsieur le Président. Vous devez changer la majorité au Conseil, y compris dans les États qui, aujourd’hui, refusent cette extension de la dérogation, alors même qu’ils sont des pays exemplaires dans l’utilisation de ce fonds.