Le Parlement européen adopte aujourd’hui le rapport de la commission spéciale sur les ingérences étrangères. Pendant les dernières décennies, bercés par le mythe de la Fin de l’Histoire, convaincus de ne plus avoir d’ennemis, les dirigeants européens ont fait preuve d’une naïveté et d’une légèreté coupables quant aux attaques contre nos démocraties.
C’est pour mettre fin à cette indolence que nous avons initié, au premier jour de notre mandat, la création de cette commission spéciale sur les ingérences étrangères dans nos démocraties.
« Depuis 18 mois, j’ai l’honneur de présider cette commission. Après 18 mois d’auditions, de recherches, d’études, de missions, le constat est sans appel : ces attaques n’ont rien d’épisodique, elles sont systémiques. Une guerre hybride a été déclenchée contre l’Union européenne. Des régimes autoritaires – qu’il s’agisse de la Russie, de la Chine – cherchent constamment à nous affaiblir, à exploiter les vulnérabilités de nos sociétés ouvertes et à diminuer la confiance dans les institutions. Leur objectif est de semer le chaos, d’accroître nos dépendances, de polariser le débat public et de nous affaiblir. » explique Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique, président de cette commission spéciale.
Dans cette guerre hybride, les armes utilisées prennent différentes formes : financement de campagnes et de partis politiques, comme le RN en France et la Lega en Italie, de candidats, de fondations, d’associations ; capture des élites – M. Schröder, M. Fillon sont les exemples les plus connus ; cyberattaques contre des institutions, des hôpitaux, des entreprises stratégiques, etc., opérations de manipulation de l’information, investissements hostiles dans des secteurs stratégiques, ou encore l’utilisation de systèmes de surveillance, tels que Pegasus.
Les travaux de la commission spéciale trouvent un triste écho aujourd’hui avec la guerre en Ukraine. « Nos dirigeants n’ont pas voulu voir le danger mais Vladimir Poutine avait affiché très tôt sa stratégie géopolitique : une confrontation sur tous les plans avec les démocraties européennes » rappelle l’eurodéputé.
« Nous n’avons plus le droit d’être naïfs, inactifs. L’enjeu premier consiste à faire prendre conscience à l’opinion publique – mais aussi aux décideurs politiques et à tous les secteurs potentiellement concernés – des menaces qui pèsent sur nos démocraties. Maintenant que le constat est partagé, il faut agir. Le rapport dresse une liste de mesures concrètes à adopter rapidement : harmonisons les lois électorales et notamment interdisons les financements étrangers de partis et fondations politiques européens ; dotons nos institutions de ressources adéquates et suffisantes pour repérer, analyser et documenter les opérations de manipulation de l’information et les menaces d’ingérence et les cyberattaques, sanctionnons plus durement les commanditaires de ces attaques, imposons aux plateformes en ligne la transparence des algorithmes, luttons contre les deepfakes, les faux comptes, interdisons la publicité politique ciblée, mettons en place un cadre réglementaire plus solide pour les investissements étrangers et veillons à ne plus être dépendants dans les secteurs stratégiques » détaille Raphaël Glucksmann.
« Au sein même des institutions européennes il convient également d’agir » renchérissent les membres de la délégation de la gauche sociale et écologique ; « d’abord, en empêchant le pantouflage au service de puissances étrangères ; puis, en formant les personnels à la sécurité et en luttant contre l’infiltration étrangère parmi le personnel des institutions de l’Union ».
« Nous avons également besoin de construire un système pérenne de protection de l’espace informationnel européen et de soutenir, le journalisme indépendant et les vérificateurs de faits, de développer l’éducation aux médias et au numérique. Dans cette guerre, car même hybride il s’agit bien d’une guerre, il convient de décréter la mobilisation générale et de former tous les citoyens. C’est à ce prix que nous renforcerons nos démocraties. C’est pourquoi nous nous félicitons de la poursuite des travaux de la commission spéciale INGE » concluent les membres de la délégation.