Gilles Pargneaux, au nom du groupe S&D. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, enfin, nous avons ce débat en plénière du Parlement européen sur le sujet de politique extérieure le plus important pour notre continent, à savoir l’Afrique et son accès à l’énergie, car les chiffres sont éloquents: sur plus de 1 milliard d’Africains, 700 millions n’ont pas accès à l’électricité. D’ici à 2030, si rien n’est fait, ce chiffre pourrait passer à 1,3 milliard. Autrement dit, c’est le futur continent le plus peuplé de la planète qui aura le moins accès à l’électricité et à la lumière. Pouvons-nous décemment accepter cela pour un continent qui n’est séparé du nôtre que par une dizaine de kilomètres et avec lequel nous partageons tant, que ce soit historiquement ou culturellement? Je ne crois pas, nous ne le croyons pas.

À cela, il faut évidemment ajouter la perspective démographique d’un continent qui comptera près de 2 milliards d’habitants d’ici à 2050 et qui subira le changement climatique de plein fouet, avec tout ce que cela implique en matière de sécurité alimentaire, d’accès à l’énergie ou de tensions autour de l’utilisation des terres agricoles. C’est pour cela qu’avec une quarantaine de mes collègues d’abord, puis à travers la commission du développement régional présidée par Linda McAvan, nous avons souhaité avoir ce débat en plénière cet après-midi au Parlement européen. Je les remercie de m’avoir soutenu dans cette démarche. Notre message est simple: allons-y, il est grand temps d’aider les pays en développement, et en particulier l’Afrique, à développer leur accès à l’énergie. Les enjeux sont gigantesques: éducation, développement économique, mais aussi migration, stabilité, sécurité dans un continent en proie au terrorisme. Voilà ce qui se cache derrière l’accès à l’énergie.

Chers collègues, Monsieur le Commissaire, beaucoup de choses sont désormais en train de se passer, car le continent africain a compris les opportunités énormes qui sont devant lui. Le Maroc a ainsi développé la plus grande centrale thermo-solaire du monde à Ouarzazate, qui va permettre de fournir dès 2018 une énergie propre à plus de 1 million de Marocaines et de Marocains. Je prends un autre exemple, celui du Kenya, où seul un tiers des habitants a accès à l’électricité et qui a développé le parc éolien du lac Turkana. Celui -ci devrait générer 20 % de l’énergie du Kenya d’ici à l’été 2017.

De façon plus générale, les bassins hydrauliques d’Afrique centrale, la faille de la Rift Valley ainsi que l’ensoleillement dont bénéficie le continent en général sont des sources d’énergie hydraulique, géothermique ou solaire peu égalées dans le reste du monde. À l’heure actuelle, néanmoins, seule une infime partie de ce potentiel est exploitée (7 % seulement des capacités hydrauliques et moins de 1 % des capacités géothermiques) et les initiatives photovoltaïques restent encore trop embryonnaires.

On sent ces prémices d’un continent qui pourrait devenir un vivier d’énergies renouvelables si on l’accompagne correctement, Monsieur le Commissaire, chers collègues. Pour cela, le continent a besoin d’un soutien inconditionnel de notre part et de votre part. Pourtant, malgré l’urgence et le consensus sur le sujet, on a le sentiment que la machine a du mal à se mettre en route. Sur les 10 milliards d’euros promis l’année dernière à la COP21 – dont j’ai été le rapporteur pour le Parlement européen – à l’Agence pour les énergies renouvelables africaine, seule une moitié a été fournie par les pays les plus développés.

Pourtant, les bonnes volontés ne manquent pas à la Commission européenne, au sein du Parlement européen, des États membres ou de la société civile. Je pense notamment au travail énorme réalisé par Jean Louis Borloo avec son initiative « Énergie pour l’Afrique ». Il est désormais temps de passer le cap et de mettre en œuvre ce grand plan Marshall pour l’accès à l’énergie en Afrique, tel que le réclament Jean Louis Borloo et sa fondation – en cela, je m’associe pleinement à son combat.

C’est la raison d’être de notre action parlementaire aujourd’hui: aider à transformer une volonté politique indéniable en actions concrètes. La COP22, la semaine dernière, qui vient de s’achever à Marrakech, a porté un message similaire. L’Afrique est l’enjeu crucial des prochaines décennies. Aussi, après les décisions, l’action! Avec ce grand plan Marshall pour l’accès à l’énergie, nous avons l’occasion de mettre en œuvre cette grande et belle action en faveur du développement de notre voisin. Dans ce cadre, je me félicite du lancement, par la Commission européenne, de l’instrument d’investissements extérieurs. Il me semble absolument nécessaire qu’un tel instrument fasse la part belle à l’accès à l’énergie et soit prêt le plus rapidement possible, notamment avant le prochain sommet Union européenne-Afrique de l’automne 2017, comme le propose d’ailleurs la Commission européenne.

Plan Marshall pour l’électrification de l’Afrique, instruments d’investissements extérieurs, soutien à l’Agence de l’énergie renouvelable africaine: voilà comment, Monsieur le Commissaire, nous pouvons, de façon très concrète, aider le développement de l’accès à l’énergie sur un continent qui en a tant besoin. J’attends que vous nous donniez les perspectives et les réponses pour que nous puissions être ainsi dans l’action concrète, Monsieur le Commissaire. C’est ainsi que nous replacerons de fait l’Europe au centre de la scène internationale vu les multiples ramifications qui dépendent du développement africain. En un mot, Monsieur le Commissaire, allons-y et ne perdons plus de temps!