Tribune publiée aujourd’hui dans le journal Libération : http://www.liberation.fr/debats/2016/02/15/face-au-dumping-chinois-l-europe-doit-se-defendre_1433458
Face au dumping chinois, l’Europe doit se défendre
Accorder le statut d’économie de marché à la Chine risque fort de fragiliser économiquement l’Europe. Persévérer dans cette erreur, c’est prendre le risque de faire imploser l’Union.
La Chine n’est pas une économie de marché. Elle ne remplit qu’un des cinq critères requis pour prétendre à ce statut. Elle a choisi une stratégie de dumping qui ravage déjà les économies européennes. Le sujet est d’importance : loin d’être anecdotique ou procédurale, accorder le statut d’économie de marché à la Chine empêcherait la Commission européenne d’opposer des mesures antidumping aux produits chinois. Ces derniers sont pourtant vendus à des prix injustement bas grâce aux subventions massives et à la course au moins-disant social et environnemental dont ils bénéficient. Des centaines de milliers d’emplois industriels sont menacés. Ce n’est pas un hasard si ni les États-Unis, ni le Canada, ni le Japon n’ont l’intention de s’engager sur une voie si périlleuse… Nous devons travailler à une position commune pour éviter toutes mesures de rétorsions de la part des autorités chinoises.
L’Europe n’a pas vocation à devenir l’idiot du village planétaire
Dans ce débat, c’est une certaine idée de l’Europe qui est en jeu. Les salariés, les consommateurs, se détourneront de l’Union si elle s’avère incapable de les protéger. Plus que jamais, l’Europe doit imposer des règles dans le commerce international. Plus que jamais, elle doit promouvoir une certaine idée de la mondialisation.
Il faut être naïf pour croire que les concessions faites aux Chinois les encourageront, à terme, à se réformer. Il faut être cynique pour parier que la disparition de pans entiers de l’économie européenne est la condition pour le développement d’autres secteurs.
Une urgence : l’acier
L’urgence est réelle et le temps joue contre nous. Le territoire européen est inondé par des aciers chinois à bas coût et les effets néfastes de la chute des prix se font déjà ressentir. En France par exemple, le site de Fos-sur-Mer se retrouve fragilisé alors que dans l’Oise, le site NLMK a stoppé son activité il y a quelques jours. En Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, les inquiétudes sont également vives après des mesures de chômage partiel et de réduction de la production. A la veille du prochain Conseil européen, plusieurs organisations syndicales mèneront une journée de mobilisation, à laquelle nous apportons un soutien plein et entier. À l’instar des syndicalistes américains, elles appellent l’Union à refuser d’accorder le statut d’économie de marché à la Chine. Si aucune mesure n’est prise, la crise que traverse actuellement le secteur de l’acier est annonciatrice d’autres crises beaucoup plus généralisées.
Renforcer nos défenses commerciales dès maintenant
Nous déplorons que la proposition législative sur la modernisation des instruments de défense commerciale soit bloquée par certains États membres, malgré un soutien déterminé du Parlement. Nous demandons à la présidence néerlandaise du Conseil de la débloquer. Les procédures d’enquête antidumping doivent aussi être accélérées, en réduisant la phase préliminaire d’investigation à un mois maximum. Pour notre part, nous sommes mobilisés afin que le Parlement européen exige de la Commission européenne qu’elle retourne à l’OMC pour faire constater ce qui est : la Chine n’a pas, aujourd’hui, une économie de marché.
Ce débat n’est pas technique, il est éminemment politique : c’est l’avenir de l’industrie, des infrastructures, des services européens, de l’emploi industriel et de services, mais aussi de notre modèle social et environnemental, qui se joue.
Par les eurodéputés socialistes et radicaux : Eric Andrieu, Guillaume Balas, Pervenche Berès, Jean-Paul Denanot, Sylvie Guillaume, Louis-Joseph Manscour, Edouard Martin, Emmanuel Maurel, Gilles Pargneaux, Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, Virginie Rozière, Isabelle Thomas.