Nous saluons le réquisitoire du parquet du tribunal correctionnel de Valence à l’encontre de six cadres du transporteur Norbert Dentressangle, demandant trois ans de prison avec sursis et 45 000 euros d’amende. Il leur est reproché d’avoir employé abusivement 1 000 chauffeurs routiers polonais, roumains et portugais payés au tarif de leur pays d’origine, en violation de la directive détachement des travailleurs. 344 d’entre eux ont souhaité se constituer parties civiles. Délit de marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre, travail dissimulé, autant de chefs d’accusation qui viennent qualifier le dumping social visiblement mis en œuvre par ce groupe racheté en 2015 par son concurrent américain XPO.

Si le verdict attendu fin mai confirme le réquisitoire, nous serons alors devant un cas d’espèce du mal qui ronge le projet européen. C’est-à-dire l’inaboutissement des règles sociales européennes face à un marché unique libéralisé. Le différentiel entre la liberté totale du marché et la faiblesse du socle social européen aiguisent l’appât du gain et renforcent la concurrence déloyale. Avec pour issue une situation perdant-perdant où certains salariés de l’Ouest sont écrasés par le dumping social et d’autres salariés, loin de chez eux, sont sur-exploités. Ce poison social se répand en opposant les uns aux autres, et accréditent le leurre du retour à des protections nationales. Nous espérons que cette jurisprudence française contre la fausse sous-traitance et ses abus aboutisse ; il faut aussi poser le débat au niveau européen et parvenir à l’égalité de traitement entre les salariés.

C’est pourquoi nous, députés socialistes européens, souhaitons que la lutte contre le dumping social se renforce concrètement et que soit voté, dès le printemps, un rapport d’initiative sur ce sujet au Parlement européen. Ce rapport doit proposer des mesures pour renforcer les contrôles et les inspections principalement dans les transports et le bâtiment, lutter contre les sociétés dites « boîtes aux lettres », éradiquer la fausse sous-traitance, en mettant en lumière les liens de subordination et les entreprises donneuses d’ordre face à leurs responsabilités. Cette première étape consiste à préciser et à faire respecter les règles, tant nationales qu’européennes, puis à les renforcer afin de pouvoir converger progressivement vers des droits sociaux européens. Il y a urgence à mettre un terme à ce grand désordre et à proposer une véritable alternative sociale européenne plutôt qu’un retour au protectionnisme.