Ursula von der Leyen a prononcé, aujourd’hui, le traditionnel discours sur l’état de notre Union. C’est le dernier de cette législature. Disons-le clairement : si au regard des cataclysmes qui se sont abattus sur l’Europe et sur le monde ces dernières années le bilan de la Commission européenne n’est sans doute pas mauvais, cette dernière allocution de sa Présidente a paru très en décalage avec les urgences sociales, climatiques et géopolitiques de cette rentrée. Il manque le souffle et la vision dont l’Union a besoin.

Certes face aux crises qui frappent notre Union et l’humanité dans son ensemble – notamment l’agression brutale de l’Ukraine par la Russie et la pandémie du Coronavirus précédemment – Ursula von der Leyen a su incarner l’Union européenne, remplir progressivement sa promesse d’une Commission géopolitique et prendre de bonnes décisions, puisées pour une large part dans le corpus idéologique et propositionnel de la social-démocratie : investissements dans la défense européenne, NextGenerationEU, achat en commun des vaccins, mise au placard des règles austéritaires, mécanisme SURE, sanctions contre la Russie, élargissement, etc.

Malgré le revirement populiste de son groupe, le PPE, qui s’applique à obstruer l’adoption et la négociation des textes restant du Pacte Vert, et après un silence assourdissant de sa part, Madame von der Leyen ne renie finalement pas ce paquet législatif, porté largement par Frans Timmermans, semble assumer son ambition et se déclare même déterminée à en accompagner la mise en œuvre, par le dialogue, pour une meilleure acceptation. Nous saluons ces assurances mais ne jugerons que sur les faits : tout ralentissement ou renoncement mettra directement en danger la santé des citoyens et la planète. Au contraire, nous devons aller jusqu’au bout du Pacte vert et réduire ainsi drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, diminuer notre exposition aux pesticides, renforcer la qualité de l’air, etc. pour échapper à l’effondrement climatique et écosystémique dont l’Europe a connu un avant-goût cet été.

La transition à accomplir est immense et nous nous battons pour qu’elle soit juste, équitable et profite à chacun, que les efforts et les contributions soient répartis équitablement et soutenus. En matière sociale justement, de politique de cohésion et économique, de justice fiscale, il reste là-aussi beaucoup à faire. A commencer par l’augmentation des salaires pour que les Européens puissent faire face à l’inflation. Avec, comme autres urgences, la dotation d’une capacité budgétaire pour la zone Euro, une plus grande intégration du pilier des droits sociaux dans le semestre européen, la levée de l’unanimité sur les questions fiscales et surtout la poursuite des transitions numériques, environnementales et énergétiques tout en accompagnant les plus fragiles.

Protéger les droits sociaux, garantir l’emploi et les acquis des travailleurs implique également d’investir davantage dans notre industrie, et de promouvoir les secteurs stratégiques (énergies renouvelables, rénovation des bâtiments), la qualification des travailleurs, d’accompagner la transformation des secteurs polluants. Les industries vertes doivent devenir le fer de lance de la compétitivité et de la souveraineté européenne, nos objectifs environnementaux, sociaux et nos intérêts géopolitiques s’y rejoignent. Les annonces d’Ursula von der Leyen en la matière sont positives, mais peu financées.

À l’heure où la guerre faire rage en Europe et alors que l’agression Russe a démontré la faiblesse et la vulnérabilité des capacités de défense européennes, qui peinent à fournir les munitions et équipements nécessaires à Kiev, nous regrettons vivement l’absence d’annonces concernant la défense européenne commune. La sécurité et la souveraineté de notre continent ne peut dépendre des bons vouloirs américains, il est urgent d’investir dans notre défense, nos capacités de production d’équipements et d’encourager l’intégration de nos industries de défense et structures de commandement.

Notre soutien à la résistance Ukrainienne ne doit pas faillir mais se renforcer, jusqu’à la victoire et au-delà. La reconstruction du pays ira de pair avec son intégration européenne et l’Union devra accompagner ce processus. Dans cette veine, nous saluons les intentions déclarées en matière d’élargissement de l’UE.

En matière de migration et d’asile, Ursula von der Leyen a déroulé le discours d’une droite elle-même otage de l’extrême droite. Preuve en est l’accord honteux conclu, en compagnie de Georgia Meloni et de Mark Rutte, avec la Tunisie de l’autocrate Kais Saied et présenté comme un « modèle » à répéter. Réorienter les flux migratoires des profondeurs de la mer Méditerranée vers les tréfonds des déserts nord-africains, est-ce bien cela l’approche « équilibrée » revendiquée par la Présidente de la Commission ? Encore une fois, nous rappelons ici nos propositions humanistes, en particulier le développement de voies légales et sûres, ainsi que le renforcement des missions de recherche et de sauvetage en mer. Ce coup de barre à droite de Madame von der Leyen est d’autant plus préoccupant qu’il semble accréditer les thèses d’une extrême droite menaçante lors des prochaines élections européennes.

Dans la perspective de ces élections notamment, la Commission s’était engagée à proposer un paquet de défense de la démocratie. Cet outil devra protéger l’intégrité de notre processus démocratique d’ingérences multiformes (désinformation, cyberattaques, interférences étrangères etc.). Nous attendons toujours sa publication et regrettons qu’aucune mention n’en ait été faite aujourd’hui.

Enfin, nous ne pouvons que regretter son silence sur le budget nécessaire à l’Union pour remplir toutes ses missions. Alors que la révision du cadre financier pluriannuel approche, nous avons en effet besoin d’un rehaussement digne de ce nom et de nouvelles ressources propres.

Nombre de ces sujets seront au cœur des prochaines élections européennes : nous sommes déterminés à porter un débat à la hauteur de ces enjeux. La confrontation politique permettra de clarifier les positions et objectifs de chacun. Alors que Madame von der Leyen est allée au bout de son mandat, place à la régénération électorale.