Le président de la République française a tenu aujourd’hui devant le Parlement européen un discours sur la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFCUE). Deux semaines après le début de cette présidence, dont le temps utile s’arrête fin mars prochain, nous sommes déjà à 15% de son déroulé effectif, sans qu’elle ait imprégné visiblement le cours de notre histoire.

Nous l’avons déjà dit et écrit : si, à l’échelle nationale, nous sommes dans l’opposition aux politiques menées par Emmanuel Macron, nous souhaitons que la présidence française du Conseil de l’Union européenne se termine par un succès pour l’avenir du projet européen.

Nous avons pu saluer la reprise de plusieurs de nos propositions dans le programme de travail de la France, comme l’idée d’un salaire minimum ou d’un ajustement carbone aux frontières, pour lutter contre le dumping qu’il soit social ou environnemental. L’idée d’un pouvoir d’initiative législative pour le Parlement européen est aussi une proposition que nous portons de longue date.

Mais maintenant que la France exerce cette présidence nous attendons les actes. Force est de constater qu’Emmanuel Macron est plus velléitaire et procrastinateur que ce que ses propos ne pouvaient laisser espérer.

Le plus frappant relève de la « souveraineté européenne », de l’autonomie stratégique. Emmanuel Macron défend – comme nous – une Europe de la défense qui soit forte sur la scène internationale. Pourtant… alors que la crise à la frontière ukrainienne est là, que la Russie et les États-Unis discutent d’un nouveau cadre de sécurité à l’échelle européenne, que la Russie intervient au Kazakhstan, la France ne prend aucune initiative pour faire entendre la voix de l’Union européenne. Emmanuel Macron se voulait combatif, il se révèle inerte, inactif.

Autre renoncement : après des propos que certains pourraient qualifier d’ambitieux sur la réforme de la gouvernance économique, Emmanuel Macron est apparu incroyablement flou et évasif.

Sur le respect de l’État de droit, bien qu’Emmanuel Macron ait longuement abordé le sujet, nous insistons pour que la France démontre qu’elle prend ce sujet au sérieux en proposant de voter sur des recommandations au Conseil et qu’elle ne se contente pas d’une audition formelle. Sur la question de la conditionnalité de l’État de droit, le Conseil doit suivre les exigences du Parlement. Enfin il est pour nous hors de question que les plans de relance de la Pologne et de la Hongrie soient débloqués.

Sur le social, le Président de la République française n’est pas plus convaincant : dans son discours il mentionne les travailleurs des plateformes, mais la France est le pays qui s’oppose à la présomption de salariat voulue par la Commission européenne ! Tout aussi grave, la coordination des systèmes de sécurité sociale a disparu de l’agenda de la PFCUE.

Sur la Conférence pour l’avenir de l’Europe : nos jeunesses méritent mieux qu’un beau discours. En 2021, Emmanuel Macron demandait à l’UE de s’engager dans une vaste consultation citoyenne sur son avenir. Depuis, des idées enthousiasmantes révèlent une jeunesse mobilisée pour les libertés, la démocratie, l’écologie, malgré la crise.

Les beaux discours de la PFUE ignorent pourtant la réalité : absente des débats, notre jeunesse est appauvrie, exclue des minimas sociaux ; notre système scolaire, exsangue. En cette Année européenne de la jeunesse, ne passons pas à côté de notre responsabilité : leur avenir.

Nous l’avions dit et écrit : nous jugerons la présidence française à l’aune de ses résultats. Alors qu’Emmanuel Macron a fait le choix assumé de réduire drastiquement le temps de travail utile d’une PFCUE par conséquent déjà bien entamée, nous sommes désormais inquiets. Et ce n’est pas un discours, aussi enflammé et beau soit-il notamment sur la culture européenne, qui dissipera ces inquiétudes ; seulement des actes. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».