Mesdames et Messieurs,

 

Le Parlement européen se réjouit de ce que vous soyez aujourd’hui réunis pour débattre des impulsions à donner à la croissance en Europe.

 

Depuis le début de la crise en octobre 2008, 24 sommets ont été convoqués, mais c’est aujourd’hui le premier à être consacré en priorité à la croissance.

 

D’énormes attentes ont ainsi été suscitées, auxquelles il vous faut répondre d’ici juin, au plus tard, en prenant des décisions concrètes.

 

Certains États membres de l’UE glissent de plus en plus profondément dans une récession qui menace de s’étendre à l’ensemble de l’Europe.

 

Il faudra trop de temps pour que les indispensables mesures de restructuration et l’assainissement budgétaire nécessaire produisent leurs effets et, finalement, se traduisent par une amélioration de la compétitivité.

 

En attendant, les conséquences économiques et sociales de la politique d’austérité menacent de déchirer l’UE.

 

C’est pourquoi nous avons besoin maintenant de croissance.

 

Le fait que vous en ayez pris conscience et que vous ayez convoqué un sommet consacré à la croissance constitue un signe encourageant pour la population et pour l’économie.

Faisons en sorte que les actes suivent enfin les paroles !

 

L’Europe ne peut toutefois se satisfaire de vagues déclarations d’intention.

L’Europe a maintenant besoin de mesures très concrètes.

Celles-ci doivent être élaborées à temps pour le sommet de juin.

 

Mesdames et Messieurs,

 

La semaine dernière, j’étais à Athènes, où je me suis entretenu avec des retraités, des élèves, des étudiants, des citoyens et des citoyennes grecs.

 

C’était important pour moi, à titre personnel, car j’ai le sentiment qu’en Europe, nous parlons constamment de la Grèce mais trop peu avec les Grecs.

 

Le message que je vous rapporte de Grèce est le suivant:

Le peuple grec souffre. Le peuple grec se désespère.

 

Les citoyens et les citoyennes grecs ont consenti de lourds sacrifices, mais ils ne voient toujours pas la moindre lueur d’espoir à l’horizon.

 

Aujourd’hui, il vous est donné, Mesdames et Messieurs, d’envoyer un signe d’espoir au peuple grec et aux autres nations européennes qui souffrent des effets de la politique d’austérité:

 

Il ne faut pas renoncer, tous les sacrifices consentis n’ont pas été vains, les choses vont à nouveau s’améliorer.

 

Et ce, parce que l’Europe met maintenant l’accent sur la croissance.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Nombreux sont ceux qui, en Grèce, éprouvent un sentiment de malaise face au pouvoir bureaucratique anonyme exercé par la Troïka. Ce sentiment est bien perceptible.

 

Il alimente aussi un malentendu dans la population grecque, qui considère qu’il s’agit de plans qui tendent à opprimer le pays – et non pas d’un formidable effort de solidarité consenti par les peuples voisins.

 

Notre politique doit enfin prendre un visage humain. Nous devons expliquer notre politique et la promouvoir. C’est pourquoi je déplore que trop peu de hauts responsables de l’UE se soient rendus en Grèce ces deux dernières années.

 

Malheureusement, trop de personnes, en Grèce et dans le reste de l’Europe, font passer leurs intérêts particuliers avant l’intérêt général. Je ne citerai qu’un exemple, celui des Grecs nantis qui sortent leurs capitaux du pays au lieu de s’acquitter de leur devoir de solidarité vis-à-vis de leurs concitoyens.

 

Je suis convaincu que nous devons dire la vérité aux populations.

 

C’est pourquoi, à Athènes, j’ai dit à mes interlocuteurs :

 

Oui, il s’agit d’une voie douloureuse, car les privations imposées par l’austérité se font directement sentir, tandis que les fruits des réformes structurelles ne pourront être récoltés que plus tard.

 

Oui, le chemin actuel est dur, mais une sortie de l’euro serait encore plus dure.

 

Ajoutons qu’en Europe, le principe «pacta sunt servanda» est d’application. Le gouvernement grec a conclu un accord avec la Troïka, aux termes duquel des aides financières seront versées en échange d’un programme d’assainissement.

 

Si le prochain gouvernement grec dénonce unilatéralement cet accord, d’autres gouvernements ne se sentiront plus liés par cet accord et n’autoriseront plus d’autres versements.

 

Dans le pays, certains alimentent l’illusion qu’il est possible de suspendre le remboursement de la dette et les réformes structurelles tout en restant dans la zone euro et en bénéficiant des mesures d’aide.

 

Ils passent tout simplement sous silence la menace inévitable d’une faillite de l’État ainsi que les risques et les perturbations sociales incalculables qui en découlent.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Les entretiens que j’ai eus avec des jeunes grecs m’ont profondément touché. Ils se trouvent dans une situation analogue à celle des jeunes espagnols ou italiens.

 

Ils possèdent une excellente formation, parlent plusieurs langues et sont ouverts au monde. Ils savent pourtant que, dans leur pays, un jeune sur deux est sans emploi. Et même lorsqu’ils trouvent un emploi, leur salaire, bien trop souvent, n’est pas suffisant pour vivre.

 

En Europe, plus de cinq millions de jeunes sont au chômage !

 

C’est une menace pour la cohésion sociale.

C’est une menace pour l’intégration européenne.

C’est une menace pour la démocratie en Europe.

 

Nous ne mettons pas à profit l’énorme potentiel de la génération la mieux formée que notre continent ait connue !

 

Une jeune grecque m’a écrit pas plus tard qu’hier: « Nous sommes nombreux à passer sous silence nos qualifications, nos diplômes et nos connaissances linguistiques pour être embauchés (…). Je suis une citoyenne européenne, j’ai un doctorat en études européennes, je parle quatre langues, je peux en enseigner deux, et je n’ai toujours pas de travail: (…). Pourtant, je suis optimiste et je crois en l’Europe comme en la Grèce. »

 

Un jeune espagnol m’a écrit hier: « En Espagne, nous avons le sentiment qu’il ne nous reste plus rien. Dans des familles tout à fait normales, nos parents ont peur de perdre leur emploi. Et nous ne faisons que tenter de nous préparer aussi bien que possible à fournir le meilleur travail possible. Un travail que nous ne trouvons pas (…). Le seul message qui nous vient d’en haut est celui-ci : il faut réaliser des économies, opérer des réductions dans les domaines de la formation, de la recherche et de la sécurité sociale (…). Donnez-nous un peu d’espoir ! »

 

De l’espoir ! C’est ce dont les jeunes ont besoin en Europe! Pour le moment, ils ont le sentiment que nous les laissons tomber.

 

Récemment, lors d’un entretien à Madrid, une jeune espagnole m’a posé la question suivante:« Vous avez trouvé 750 milliards d’euros pour financer un fonds de sauvetage, mais combien d’argent avez-vous pour nous?»

 

Il existe déjà nombre de bonnes propositions visant à lutter contre le chômage des jeunes :

 

Les États pourraient offrir une garantie d’emploi à la sortie de l’école, comme cela se fait déjà dans certains États membres de l’UE.

 

Des possibilités d’apprentissage professionnel pourraient être conçues en étroite coopération avec les partenaires sociaux.

 

La Commission a présenté une bonne proposition qui concerne un service de l’emploi européen. Pour que cela fonctionne, votre soutien est indispensable. Il importe de renforcer la mobilité en Europe en améliorant la reconnaissance mutuelle des qualifications et des formations linguistiques.

 

Pour garantir l’avenir de notre jeunesse, il faut avant tout rétablir l’économie européenne !

 

Nous, représentants des peuples d’Europe, nous vous proposons aujourd’hui un pacte dans le cadre duquel les trois institutions de l’UE, le Conseil, le Parlement et la Commission, prendront, au cours des 12 prochains mois, toutes mesures réalisables à court terme pour stimuler la croissance, créer des emplois, desserrer l’étau du crédit et promouvoir la justice fiscale.

 

Il s’agit également d’un pacte passé avec les citoyennes et les citoyens pour rétablir la confiance dans la capacité d’agir des institutions de l’UE et de ses États membres. C’est un projet de l’UE – 27. C’est vous, Mesdames et Messieurs, qui décidez de la force de l’UE – ce défi, nous pouvons le relever ensemble.

 

Pour ne citer que trois domaines dans lesquels nous devrions coopérer activement dans le cadre d’un pacte de croissance, je mentionnerai:

 

la lutte contre le chômage des jeunes, les énergies renouvelables et le soutien des petites et moyennes entreprises.

 

Dans son rapport sur la crise, le Parlement européen a soumis des propositions concrètes sur le volet financier, à savoir:

 

– la création d’emprunts obligataires pour le financement de projets visant à moderniser les infrastructures de l’UE et la réalisation d’investissements dans les technologies vertes;

 

– la lutte contre l’évasion fiscale et l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, qui procureraient des recettes supplémentaires;

 

– le recours à de nouveaux instruments financiers tels que les microcrédits et les partenariats public-privé;

 

– le relèvement à plus de 10 milliards de la capacité de prêt de la Banque européenne d’investissement.

 

Les prochaines perspectives financières comptent aussi au nombre des mesures qui s’imposent d’urgence. Il convient de doter l’UE d’un budget ambitieux, s’appuyant sur le constat que, pris isolément, les montants impliqués ne représentent pas plus d’un centième du produit des économies des États membres, mais que, pris globalement, ils constituent le plus grand programme d’investissement en Europe.

 

Un budget européen raisonnable est un investissement pour l’avenir: Car il complète les budgets des États membres.

Car il génère une valeur ajoutée européenne en conjuguant les efforts nationaux.

Car il crée des stimulations en faveur de la croissance, en particulier dans les régions défavorisées.

 

Évitons de parler de pourcentages abstraits qui peuvent être revus à la hausse ou à la baisse, mais parlons de politiques concrètes, de programmes concrets et d’initiatives concrètes.

 

Cela devrait constituer la base de nos discussions lors du Conseil européen de juin. À cette occasion, et comme le prévoit le traité, des orientations pourront être arrêtées et des impulsions politiques pourront être données.

 

Les idées du Parlement ont déjà été arrêtées dans la résolution SURE.

 

Les contenus des politiques prioritaires concrètes des prochaines années devront ensuite être définis dans le détail par le Parlement européen conjointement avec le Conseil, selon la procédure de codécision prévue en la matière.

 

Accordons-nous tout d’abord sur ce qui est bon et nécessaire, sur ce dont l’Europe a besoin pour créer de la croissance et des emplois. Et ensuite, nous parlerons du financement de ces mesures.

 

Recettes et dépenses sont indissociablement liées et doivent dès lors être négociées conjointement. Il n’y a accord sur rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout.

 

Le budget de l’UE est un budget d’investissement. Les fonds de l’UE alloués aux instruments financiers produisent un important effet multiplicateur: chaque euro de dépense publique génère jusqu’à 4 euros d’investissements privés.

 

 

Mesdames et Messieurs,

 

Une chose doit être claire pour tous :

 

Dans la situation actuelle, nous ne pouvons nous satisfaire de belles paroles.

 

Les espoirs aujourd’hui suscités, les promesses aujourd’hui faites, vous devrez les concrétiser lors du Conseil européen de juin.

 

Il s’agit maintenant de nous atteler à des mesures concrètes en faveur de la croissance de l’emploi.

 

Je me réjouis d’en discuter avec vous.

 

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