A une situation sérieuse, la lettre envoyée hier par Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi au Président du Conseil européen Hermann Van Rompuy et au Président de la Commission européenne José Manuel Barroso apporte une réponse court-termiste et dangereuse.

 

S’il est juste de considérer que la gestion d’un afflux de migrants doit être de la responsabilité de l’Union européenne, vouloir aménager les accords Schengen à la manière des deux chefs d’État témoigne d’une interprétation erronée et préoccupante des pouvoirs de l’Union européenne en la matière.

 

Quand les deux chefs d’Etat appellent à des soi-disant “modifications” de Schengen, ils feignent d’ignorer que ces dispositions existent déjà dans l’accord lui-même, et ne répondent en rien aux attentes des citoyens face aux défis actuels. Au moment où la zone méditerranéenne connaît des bouleversements majeurs, c’est à l’Europe dans son ensemble d’accompagner les réformes démocratiques que souhaitent les populations des pays d’Afrique du Nord. Il s’agit de lancer des formes de partenariat plus adaptées aux réalités de la période de façon à gérer ensemble les flux migratoires de part et d’autre de la Méditerranée.

 

Au contraire, le message envoyé par messieurs Berlusconi et Sarkozy vise à démontrer que seul le niveau gouvernemental est apte à déterminer qui doit agir lors de circonstances dites “exceptionnelles”. Nous y voyons clairement une obstination dans le refus de bâtir des solutions véritablement européennes, en décrédibilisant au passage les politiques menées jusque-là, y compris par eux-mêmes.

 

Personne ne sera dupe : les deux chefs d’Etat sont aujourd’hui aux prises avec des formations populistes dans leurs pays respectifs. Pour remporter la bataille de la démagogie électoraliste, leur recette est simple : gonfler artificiellement le danger de l’immigration et moquer une Europe incapable de mener des politiques concrètes.

 

Nous attendons pour notre part du Conseil européen de Juin qu’il prenne des positions courageuses pour permettre à la Commission européenne d’avancer des propositions solides. Une véritable politique européenne de l’immigration doit poursuivre trois objectifs, essentiels à nos yeux : faire pleinement respecter les droits des demandeurs d’asile, combattre avec détermination le trafic des êtres humains et de définir les critères de l’immigration régulière de façon juste, claire et équitable.

 

Cette politique constitue le socle qui permet de réussir le développement économique de ces pays et de donner un avenir à tous ces adultes et ces jeunes qui ont fait le choix de la démocratie, souvent au péril de leur vie.

 

David Sassoli et Catherine Trautmann