Les ministres européens des finances ont durci hier la discipline budgétaire du pacte de stabilité. L’eurodéputée Pervenche Berès (PS) craint que l’Europe néglige les investissements nécessaires dans l’éducation, la formation et la recherche au nom de l’orthodoxie budgétaire
Les ministres européens des finances ont décidé hier un renforcement du « pacte de stabilité». Qu’en pensez-vous ?
PERVENCHE BERÈS : On renforce ce pacte sans tenir compte de son échec par le passé, dans la mesure où il n’a pas empêché les pays de diverger. Ce nouveau texte ne permettra pas un examen intelligent des politiques économiques car il organise une surveillance quantitative des déséquilibres, sans analyse qualitative des situations. Il se contente de renforcer les sanctions liées à une situation de déficit excessif et en introduit de nouvelles, sur le critère de l’endettement excessif. En outre, la notion même de sanctions immédiates est étrange car elle revient à aggraver les difficultés de pays déjà mal en point.
Ce n’est donc pas le début d’un meilleur pilotage économique?
Le simple fait que la chancelière allemande, Angela Merkel, ait enfin accepté, à travers ce « pacte pour l’euro », de parler de gouvernance économique européenne est en effet un progrès. Jusqu’ici, et le pacte de stabilité en est une illustration, elle s’intéressait avant tout aux sanctions à infliger aux États, sans évoquer un meilleur pilotage de la zone euro en amont. Le renforcement des dispositifs de sauvetage financier pour un État en difficulté, sous la pression des marchés, constitue aussi un pas vers davantage de solidarité européenne. Pour le reste, le « pacte pour l’euro » organise une convergence des politiques économiques des États et c’est une bonne chose mais je déplore les moyens choisis.
Que critiquez-vous précisément?
Ce pacte repose sur un présupposé consistant à sortir de la crise par la désindexation des salaires et des pensions sur le niveau de l’inflation, l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, la flexibilisation du marché du travail. Le monde salarié est la seule variable d’ajustement. Dans le même temps, les objectifs d’harmonisation fiscale ont été revus à la baisse, alors qu’ils devraient procurer de nouvelles recettes. Le pacte instaure des mécanismes de réduction quasi automatique de la dette dans des proportions énormes et incohérentes (1). Les dirigeants concernés n’auront pas d’autres choix que de tailler aveuglément dans les dépenses publiques, y compris dans l’éducation, la formation et la recherche, alors même que le « pacte pour l’euro » appelle aussi les États membres à favoriser les investissements publics dans ce domaine.
Que peuvent faire les députés européens ?
Les ministres des finances sont en train d’élaborer une coordination européenne des politiques budgétaires à partir des mêmes présupposés, et sans associer le Parlement. C’est antidémocratique, les citoyens ont besoin d’un vrai débat sur les choix économiques européens. Je vais proposer aux eurodéputés une méthode, très prochainement, pour faire entendre notre voix. J’estime par exemple que les dépenses d’éducation, de recherche et de formation ne devraient pas être intégrées dans le calcul du déficit et de la dette publics, ou que leur poids soit pondéré. Plutôt que de pénaliser les États qui voudront mettre en oeuvre cette priorité d’éducation et de formation, il faudrait sanctionner ceux qui ne s’en donnent pas les moyens !
Comment éviter la rigueur en pleine crise de la dette ?
Je ne suis pas irresponsable, mais sortir d’un endettement excessif grâce à la saignée, ce n’est pas soigner le malade. Et penser que, du jour au lendemain, on va diminuer les dettes et en même temps pouvoir faire face à tous les défis, je n’y crois pas. Il nous faut plus de temps pour redresser nos finances publiques, au-delà de 2013-2014, afin de recréer des marges de manoeuvre. Sinon, nous allons étouffer l’investissement et la croissance.
L’Europe présentera sa « réponse globale » à la crise de l’euro au sommet européen la semaine prochaine. La monnaie unique sera-t-elle hors de danger?
Non. La crise de l’euro sera finie le jour où les États auront récupéré une capacité de croissance grâce à une stratégie d’investissement et de relance. Cela passe aussi par une taxe sur les transactions financières, l’émission d’euro-obligations et la nomination d’un « Monsieur euro ». C’est la seule manière de rassurer les marchés sur la solidité du projet européen.
RECUEILLI PAR MARIE DANCER
(à Bruxelles)
(1) Le pacte stipule que les États devront réduire chaque année leur dette d’un montant équivalent à 1/20 de l’écart entre leur dette et le plafond autorisé par l’Europe de 60 % du PIB.