Tribune publiée dans Libération par Pervenche Berès, Liêm Hoang Ngoc, Anni Podimata, Udo Bullmann, Antolin Sanchez-Presedo, Leonardo Domenici, députés socialistes européens, et Hannes Swoboda, président du groupe socialiste et démocrate au Parlement européen

 

Les ministres français et leurs homologues allemands se réuniront mercredi. Il est urgent qu’ils concrétisent la taxe sur les transactions financières, une des rares mesures de justice sociale proposées depuis la crise.

Il y a 18 mois, onze Etats membres de l’Union européenne – France, Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Autriche, Estonie, Grèce, Portugal, Slovaquie et Slovénie – ont décidé d’introduire une taxe sur les transactions financières (TTF). En dépit du soutien appuyé du Parlement européen et des citoyens, l’espoir d’aboutir rapidement à un accord s’est progressivement estompé. Les discussions ont peu progressé en raison d’une mobilisation agressive et virulente du secteur financier qui ne veut pas de cette taxe.

La TTF revient toutefois sur le devant de la scène sous l’impulsion du couple franco-allemand et est inscrite à l’agenda du conseil ministériel franco-allemand. Elle est en outre une priorité de la Grèce, pays qui exerce actuellement la présidence de l’Union européenne et l’un des onze souhaitant l’introduction de cette taxe. A trois mois des élections européennes, il est impératif que les «Onze» envoient un signal clair pour répondre aux attentes de leurs citoyens et tenir leurs engagements.

Six ans après le déclenchement de la crise, les institutions financières continuent de bénéficier d’un soutien sans précédent : pas moins de 4 500 milliards d’euros d’aides publiques, soit 37% du PIB de l’Union européenne, ont été injectés pour permettre au secteur financier de sortir de la crise. Parallèlement, les bénéfices générés sur les marchés financiers échappent à toute contribution fiscale et exonèrent les spéculateurs de toute participation au coût de la crise. Plus grave, les pratiques les plus spéculatives et la course aux profits de court terme perdurent. Or, la grande majorité de ces gains n’est pas réinjectée dans l’économie réelle.

La TTF aurait précisément le mérite de freiner ces excès incontrôlés qui nous ont conduits à la crise de 2007. C’est pourquoi nous sommes convaincus que la taxe doit s’appliquer aux produits dérivés qui incarnent le capitalisme casino qui perdure. Le Parlement européen a montré la voie, en approuvant à une très large majorité un compromis réaliste et ambitieux. Pour que la taxe soit efficace, il est crucial de maintenir l’assiette la plus large possible et de prévoir un taux peu élevé. Des mesures transitoires pour les obligations d’État peuvent être envisagées. De même, d’autres mesures peuvent être introduites afin de préserver la liquidité et les pratiques des acteurs commerciaux.

Un report de la mise en œuvre de cette taxe n’est pas justifié à moins de vouloir protéger les intérêts des banquiers au détriment des citoyens. Nous ne pouvons pas être complaisants face à la montée de l’extrême-droite et des courants populistes. La TTF est l’une des rares mesures de justice sociale proposées depuis la crise. Les socialistes européens estiment qu’il est désormais grand temps de concrétiser ce projet.