Sylvie Guillaume, au nom du groupe S&D. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, la vague de froid qui frappe l’Europe ces dernières semaines a fait déjà plusieurs centaines de morts, pour la plupart des personnes sans abri. Mais si, aujourd’hui, ces décès hivernaux suscitent une forte émotion dans l’opinion publique, nous savons très bien qu’en été aussi, les victimes de cette insupportable précarité sont aussi nombreuses voire plus nombreuses. Car oui, le froid tue. Mais au-delà du froid, ce sont la crise, la misère et la précarité qui tuent les personnes les plus exclues.

 

L’Union compte plus de trois millions de personnes sans abri, parmi lesquelles nous ne rencontrons plus seulement les figures traditionnelles des grands exclus marginaux, mais de plus en plus de seniors, de jeunes, de femmes, de familles. Parmi ces sans-abris, on trouve parfois des salariés. Soyons bien conscients qu’en période de crise économique, le basculement vers cette extrême précarité peut être très rapide. Une rupture familiale, un licenciement peuvent suffire à jeter à la rue une famille qui, jusque-là s’en sortait. Par ailleurs, être sans domicile fixe peut recouvrir de nombreuses réalités qu’il faut également appréhender. Ce sont toutes les personnes qui dorment dans leur voiture, à l’hôtel ou ceux qui peuvent bénéficier d’un hébergement temporaire chez un proche.

 

Nous devons faire évoluer nos représentations collectives de la situation des sans-abris car ce sujet recouvre de multiples publics et de multiples situations. Ils appellent tous une réponse politique globale, rapide et forte. Nous avons pour obligation d’agir non seulement pour pallier l’urgence mais surtout sur le long terme.

 

Si sortir de la crise est l’objectif principal, cela commence aussi par se donner les moyens de sortir de la rue et des dispositifs d’urgence celles et ceux qui n’ont pas de toit. Car il est bien évident que sans un accès pérenne à un logement abordable, les sans-abris se voient exclus de nombreux autres droits et services. L’indignation sera partagée sans difficulté, l’analyse de la situation également. Alors passons pour de bon à l’étape suivante: celle de la volonté politique.

 

Monsieur le Commissaire, ce Parlement vous a déjà demandé à plusieurs reprises de mettre en place une véritable stratégie européenne contre le sans-abrisme. Je pense à la déclaration écrite de 2010 et à la résolution de nos collègues Berès et Delli, adoptée ici, en septembre 2011, en vue de mettre un terme au sans-abrisme à l’horizon 2015. C’était aussi la stratégie européenne ambitieuse intégrée que nous attendons. Je pense aussi à la résolution de notre collègue Daerden, en novembre dernier, sur la plate-forme européenne contre la pauvreté et l’exclusion.

 

Donc, par trois fois déjà, les parlementaires vous ont demandé la mise en place de cette stratégie pour les sans-abris, articulée autour d’objectifs précis, que je ne peux, faute de temps, me permettre de répéter à nouveau. Où en est cette feuille de route? Quand la Commission va-t-elle exiger des États de véritables stratégies nationales assorties de véritables moyens. Quels montants FSE et FEDER pourront être mobilisés? Aujourd’hui, notre crainte est de voir la plate-forme européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale rester au rang de déclaration d’intention. Tout comme l’année 2010 du même nom qui, malheureusement, n’aura pas amené beaucoup de résultats concrets.

 

Les objectifs et priorités politiques de l’Union, rassemblés dans la stratégie Europe 2020, passent par une croissance inclusive. Or, comment bâtir une véritable cohésion sociale sans lutter contre ces situations d’extrême précarité? C’est un enjeu qui ne peut pas être délégué à la bonne volonté et aux moyens limités du monde associatif et des collectivités locales. Il n’est plus acceptable qu’en temps de crise, l’Union européenne apparaisse uniquement comme l’instigatrice de plans d’austérité qui poussent les peuples dans la rue au sens propre comme au sens figuré.

 

Je refuse de céder à la facilité qui consiste à accuser l’Union de ne vouloir sauver que les banques en abandonnant les peuples. Nous avons là, justement, une occasion de lutter contre cette caricature. Il est fondamental de s’en saisir et de ne pas se contenter de seules déclarations d’intention. Il y a peu de mérite à se dire farouchement opposé à la situation des sans-abris. C’est un sujet d’indignation facile. Il y a, par contre, beaucoup à faire et c’est pourquoi nous demandons encore une fois une action volontariste et concrète en faveur des personnes sans abri.