Pierre Jouvet, membre de la commission marché intérieur et protection des consommateurs

Le Parlement européen a adopté hier un rapport d’initiative essentiel pour faire face aux risques croissants liés à la vente de produits non conformes sur les plateformes de commerce en ligne, en particulier celles opérant depuis des pays tiers comme la Chine.

Des jouets pour enfants dangereux, des appareils électroniques non certifiés, des vêtements toxiques : les associations de consommateurs tirent la sonnette d’alarme depuis des années. Dans le viseur, deux géants du e-commerce à bas prix — Temu et Shein — dont les colis inondent le marché européen via un contournement systématique des normes et contrôles. En 2024, 4,6 milliards d’articles de commerce électronique inférieurs au seuil d’exemption de 150 euros ont ainsi été importés dans l’UE, dont 91% provenaient de Chine, soit jusqu’à 12 millions de petits articles de commerce électronique par jour et ce chiffre double d’année en année.

Ce rapport, soutenu sans réserve par notre délégation, dresse un constat sans ambiguïté : l’Union doit réagir fermement face à la prolifération de ces produits non conformes qui mettent en danger la santé et la sécurité des citoyens et citoyennes et déstabilisent nos entreprises par une concurrence déloyale. Camaïeu, Chauss’expo, Casa, Jennyfer… combien d’autres entreprises l’Europe va-t-elle laisser disparaître avant de réagir ?

Nos priorités sont claires et nous nous félicitons qu’elles soient reflétées dans ce rapport :

  • renforcer les moyens des douanes et des autorités de surveillance du marché, afin de détecter et bloquer les produits dangereux dès la frontière ;
  • assurer l’application rigoureuse du règlement sur les services numériques (DSA) et obliger à terme les commerçants extracommunautaires à désigner une personne responsable dans l’UE afin qu’elles respectent nos règles ;
  • adapter rapidement les textes européens existants, en révisant le règlement sur la surveillance du marché et celui sur la coopération en matière de protection des consommateurs ;
  • supprimer l’exonération douanière pour les colis de moins de 150 €, une faille exploitée massivement par Temu et Shein pour échapper aux contrôles et aux taxes ;
  • soutenir la taxe de traitement de 2 € par petit colis, proposée par la Commission, une première étape.

Au-delà des aspects de sécurité, le texte aborde avec ambition les indispensables enjeux environnementaux et de loyauté commerciale. Il appelle à :

  • une évaluation des impacts environnementaux du commerce électronique extracommunautaire, avec la perspective d’une redevance sur la gestion des déchets ;
  • une analyse de l’effet des pratiques d’expédition en vrac et de création d’entrepôts par des plateformes de pays tiers en Europe ;
  • la présentation d’une future loi sur l’équité numérique (Digital Fairness Act) pour lutter contre les pratiques déloyales du commerce en ligne : interfaces trompeuses, marketing d’influence dissimulé, faux avis, designs addictifs…

L’Union ne peut pas rester passive face aux dérives du commerce en ligne. Elle doit affirmer sa puissance et faire respecter ses règles. Il en va de la protection des citoyens, des commerçants, de la justice économique et de la souveraineté de nos règles. Nous nous mobiliserons pour que la future réforme du Code des douanes de l’UE, attendue d’ici la fin de l’année, fournisse une réponse structurelle au plus vite.

L’adoption de ce rapport est également l’occasion de rappeler que notre délégation soutient pleinement la candidature de la ville de Lille pour accueillir la future Autorité douanière européenne. La France a l’expertise, les infrastructures et la volonté politique de faire de Lille un pôle européen de la régulation douanière moderne.