Aurore Lalucq, Présidente de la Commission des Affaires Économiques et Monétaires du Parlement européen
Il y a un an Mario Draghi remettait son rapport dans lequel il nous alertait sur le risque de déclassement économique et donc politique et géopolitique de l’Union européenne, si rien n’est fait pour inverser la tendance. Au cœur du diagnostic porté par l’ancien banquier central, le manque chronique d’investissements, la préférence coupable pour les directives plutôt que les règlements, l’absence de politique industrielle, notamment en matière numérique, ou encore l’absence d’une union des marchés de capitaux, permettant de mettre à profit l’épargne des Européens.
Rapidement, deux chiffres se sont imposés dans le débat public : 800 milliards et 300 milliards d’euros. 800 milliards d’abord, soit les investissements nécessaires chaque année pour éviter le décrochage. Des investissements qui ne pourront venir uniquement du privé. Il faudra également passer par de l’investissement public, notamment dans les domaines à haut risque comme la défense et la décarbonation.
300 milliards ensuite, ou l’épargne des Européens qu’il nous faut rapatrier pour financer des projets et entreprises européennes. L’accès et le recours à l’épargne des Européens représente une manne financière importante dont l’Europe ne peut se priver, si elle souhaite retrouver des marges de manœuvre financières et enrayer ce déclin sur le plan économique et politique.
C’est la raison pour laquelle le Parlement européen a décidé de se mobiliser et de rendre rapidement sa copie afin de préciser les détails de sa mise en œuvre. Malgré des désaccords naturels entre différentes forces politiques et différents États, nous avons réussi, grâce à l’esprit de concertation et de dialogue des co-rapporteurs, à présenter une copie commune dans laquelle nous présentons les priorités du Parlement européen pour une relance de l’investissement au sein de l’Union européenne.
Ce rapport présente donc une série de mesures visant à relever ces défis, à créer un marché des capitaux plus intégré et plus efficace dans l’UE et à favoriser le rôle du secteur public dans la mobilisation des investissements. Parmi ces propositions : soutien à une supervision directe harmonisée au niveau de l’UE, là où elle présente une valeur ajoutée européenne ; création d’un un actif sûr européen (common safe asset), permettant d’émettre une dette partagée entre les États, ; soutien à la création d’un compte d’épargne ou d’un label européen, afin d’orienter davantage d’investissements vers l’économie européenne ; reconnaissance du rôle essentiel des investissements publics et privés dans la croissance durable.
Le vote de ce rapport permet de tracer la voie vers une plus grande indépendance financière de l’Union européenne pour investir dans son avenir et enrayer son déclin économique et politique. Reste maintenant aux États-membres de poursuivre sur la lancée du Parlement européen en traduisant ces recommandations en actions concrètes. Et à la Commission de comprendre que si l’union des capitaux est essentielle pour notre avenir, elle ne suffira pas si nous continuons à nous vendre aux États-Unis, comme le suggère clairement l’accord récemment signé avec Donald Trump.