Virginie Rozière, rapporteure. – Madame la Présidente, Madame la Commissaire, mes chers collègues, c’est un débat essentiel pour les citoyens européens que nous avons cet après-midi, parce qu’il s’agit de reconnaître le rôle essentiel que jouent les lanceurs d’alerte dans nos démocraties, de placer nos exigences de transparence et de bonne gouvernance au-dessus des pouvoirs économiques et financiers et, surtout, d’assurer, comme un juste retour des choses, la protection de ceux qui ont le courage de protéger notre intérêt général, de ceux qui ont le courage de parler pour nous protéger. Il s’agit de faire de l’Union européenne l’un des espaces politiques les plus avancés en matière de protection des lanceurs d’alerte.

Cette directive est le fruit d’un long travail, notamment de ce Parlement, qui dès 2014 a mis en avant dans ses travaux l’importance d’une protection efficace des lanceurs d’alerte, avant d’exprimer de manière très claire, à plusieurs reprises, sa demande formelle de directive.

Depuis le début du mandat, les scandales se sont accumulés: LuxLeaks, Panama Papers, Football Leaks. Ils ont mis une lumière crue sur la situation de grande précarité à laquelle font face les lanceurs d’alerte. Puis la directive sur le secret des affaires est arrivée. Elle a suscité énormément d’inquiétude que nous avons tenté de corriger dans la directive, mais nous avons surtout conditionné le vote de cette directive à la mise en place d’une véritable protection européenne des lanceurs d’alerte. Je me souviens très bien des débats qui se sont tenus en 2016 dans cet hémicycle, où on nous expliquait que ce n’était pas possible, qu’il n’existait pas les bases juridiques suffisantes dans les traités pour permettre à l’Union européenne d’agir. Et pourtant, aujourd’hui, trois ans plus tard, nous débattons de cette question avant d’adopter demain – je l’espère – une directive qui protégera les lanceurs d’alerte dans toute l’Union. L’engagement des parlementaires, tout comme celui de la société civile et des ONG que je veux saluer ici, porte donc ses fruits. Il fait bouger les lignes et incite l’Europe à être à l’écoute des préoccupations des citoyens européens. Ce n’est pas si fréquent de ma part, mais je tiens à le souligner ici aujourd’hui: je voudrais féliciter la commissaire Jourová pour son engagement et la Commission européenne pour l’inventivité dont elle a su faire preuve pour finalement dissiper les difficultés qui nous étaient opposées et trouver une solution pour mettre en place une protection européenne des lanceurs d’alerte. Donc, aujourd’hui, nous avons ce texte qui va permettre d’offrir une large protection, la plus étendue possible comme le Parlement l’appelait de ses vœux dans le rapport d’initiative voté en 2017. Bien sûr, dans le cadre de cette protection, les salariés qui sont dans une relation de travail traditionnelle seront couverts, mais aussi les consultants, les stagiaires, les contractants, les fournisseurs de services et les experts indépendants. Nous avons voulu ne pas laisser de vide dans la protection que nous mettons en place.

De même, nous avons tenu à pouvoir protéger les personnes qui accompagnent les lanceurs d’alerte – les facilitateurs, les collègues, les proches du lanceur d’alerte – qui pourraient être impliquées également ou concernées par des représailles.

Je me félicite aussi que nous soyons parvenus au cours de ces négociations à préserver l’ambition initiale, qui était déjà dans la proposition de la Commission, de couvrir un champ d’application le plus large possible, allant de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne, aux questions de fiscalité des entreprises, en passant par la protection de l’environnement. J’espère que les États membres auront à cœur de suivre une recommandation commune et d’aller au-delà même du champ d’application sectoriel défini dans la directive pour assurer une transposition horizontale la plus large possible.

Les mécanismes de signalement que nous avons mis en place sont solides et ils sont là aussi pour faire changer les mentalités. C’était un point essentiel, qui se traduit par l’obligation de mettre en place des canaux internes à l’entreprise. Mais je me réjouis que nous soyons revenus sur l’obligation, initialement prévue, de passer par un signalement interne en premier lieu. Je pense que c’était un des problèmes majeurs de la proposition initiale du texte et, sur ce point, le Parlement européen a pleinement joué son rôle de colégislateur en apportant ces améliorations et en faisant sauter cette obligation qui aurait exposé immanquablement le lanceur d’alerte à des représailles.

Enfin, ce texte propose des protections vraiment efficaces contre les représailles: une immunité face aux clauses de confidentialité et face au secret des affaires, une immunité également s’agissant de l’acquisition des informations révélées, une protection qu’il a fallu âprement négocier avec certains des États membres, et puis le renversement de la charge de la preuve dans les contentieux du travail, qui viendra efficacement protéger les salariés. Les obligations d’information et de soutien, y compris psychologique et financier, sont renforcées afin de ne pas laisser seules ces personnes qui bien souvent se retrouvent très isolées face à de gigantesques multinationales.

Dans l’ensemble, c’est donc un texte très ambitieux que nous nous apprêtons à adopter et qui répond au défi posé à nos démocraties. Je voudrais remercier mes collègues, les rapporteurs fictifs, qui se sont grandement impliqués dans ce dossier et ont permis de démontrer que lorsque le Parlement est uni, il parvient à ses fins, il réussit à produire des résultats, il arrive même à renverser des minorités de blocage au Conseil, ce qui n’est pas si fréquent. Et puis je voudrais remercier la présidence roumaine qui a, par son action décisive dans ce dossier, par son leadership, produit cet excellent résultat, et également renouveler mes remerciements à Mme la commissaire Jourová qui a fait preuve d’un grand esprit de compromis sur cette directive. Je vous remercie tous et j’espère que le vote demain matérialisera cette avancée pour l’Union européenne.

Virginie Rozière, rapporteure. – Madame la Présidente, merci à tous les collègues pour leur soutien, leurs encouragements et leurs saluts réitérés. Je les remercie en retour tout comme, bien évidemment, la présidence roumaine et Madame la Commissaire.

Mais je ne voudrais pas qu’on ait une fausse impression avec ce consensus qui se dégage aujourd’hui sur ce texte, en ayant l’impression que cette négociation s’est déroulée sans difficulté parce que, cela a été dit, le calendrier était très serré, ce qui constituait un premier défi. Je pense que nous pouvons être fiers d’avoir réussi à boucler cette négociation et à parvenir à cet accord sur un très bon texte avant la fin de ce mandat. C’est vraiment une excellente chose et cela n’a pas été de tout repos. Sur le principe, tout le monde est pour la protection des lanceurs d’alerte, c’est très bien et c’est heureux. Mais je voulais quand même rappeler que nous avons dû faire face à une certaine adversité, en particulier de la part de certains États au Conseil. Il est en effet important de signaler, par souci de transparence et pour ne rien cacher à nos concitoyens, que tout n’a pas été si simple et que malheureusement certains États membres, pas des moindres, en particulier la France alliée à la Hongrie et à l’Autriche, ont tenté de diminuer la portée de la protection offerte par ce texte. Et si finalement nous sommes parvenus à cet accord ambitieux, c’est grâce à la mobilisation de tous. Je le disais, la mobilisation des ONG, que je tiens encore une fois à saluer pour leur travail quotidien aux côtés des lanceurs d’alerte et pour leur engagement en faveur de ce texte, nous a été extrêmement précieuse. Qu’elles en soient ici sincèrement remerciées. Je voulais aussi renouveler mes remerciements à la présidence roumaine, à la Commission qui ont vraiment tout fait pour qu’on parvienne à un large consensus et aux collègues aussi qui se sont mobilisés pour faire pression sur leur gouvernement pour que nous puissions aboutir à cet accord. C’est, je pense, une belle illustration du rôle du Parlement européen, de son rôle de représentant de l’intérêt général des Européens et de sa capacité à peser sur le cours des choses et sur le processus législatif. Je pense que c’est important que tous nos concitoyens aient cela à l’esprit à l’approche des échéances électorales.