Le président de la République française a donné aujourd’hui une conférence de presse sur la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFCUE). Si, à l’échelle nationale, nous sommes dans l’opposition aux politiques menées par Emmanuel Macron, nous souhaitons que la présidence française du Conseil de l’Union européenne se termine par un succès pour l’avenir du projet européen. A ce titre, nous saluons le fait que la France entre-ouvre – enfin ! – la porte à une révision des Traités, après l’Allemagne.

Nous estimons néanmoins qu’il a pris un risque non négligeable en raccourcissant de façon drastique le calendrier utile, et qu’il existe des lacunes dans son programme de travail. En effet, nous regrettons une nouvelle fois que le président de la République ait fait le choix d’instrumentaliser, à son profit, ce temps fort pour l’Europe, et d’en faire une tribune, non comptabilisée dans son temps de parole par ailleurs : il était possible, dès la confirmation du Brexit qui fait intervenir la Présidence française avec 6 mois d’avance sur le calendrier initial, d’accepter la proposition de modification du calendrier des présidences tournantes afin que le semestre de la France soit distinct de la séquence présidentielle-législatives. Ce type d’échange s’est déjà vu entre l’Allemagne et la Finlande. En ne le faisant pas, Emmanuel Macron a commis une double erreur : d’une part, la présidence française ne sera « utile » que pendant trois mois ; c’est donc trois mois qui seront perdus sur les six que dure la PFCUE. D’autre part, l’instrumentalisation à des fins de politique intérieure peut ralentir de nombreux dossiers importants pour l’ensemble des Européens. Il n’y a pas de secret : une présidence tournante réussie est une présidence où un fort intérêt national coïncide avec un fort intérêt européen, ce qui est difficilement compatible avec un contexte électoral.

Concernant les dossiers mis en avant par le président de la République française, nous en soutenons un certain nombre, à condition de ne pas renoncer à l’ambition sous le prétexte d’obtenir un résultat « quoi qu’il en coûte » juste avant l’élection présidentielle. Nous pensons notamment à l’enseignement de l’Histoire de l’Europe et de sa culture, aux valeurs et à la défense de l’état de droit ; au salaire minimum européen ; à la régulation du numérique avec DSA/DMA ; au paquet FitFor55, dont on comprend que la France souhaite uniquement avancer sur le texte le plus « visible », l’ajustement carbone aux frontières : sur ce point, nous alertons sur le contre-sens que cela représente de décrocher ce texte des autres propositions ; aux clauses miroirs pour mettre davantage de réciprocité dans les échanges commerciaux mais qui ne sauraient se limiter qu’à la seule directive sur la déforestation importée ; au partenariat avec l’Afrique, même si sur ce point nous dénonçons le fait que la France ne soutienne pas la demande du Parlement européen de lever les brevets sur les vaccins.

Sur l’autonomie stratégique, la lutte contre les ingérences étrangères, le devoir de vigilance des entreprises, l’Europe de la défense, les Balkans occidentaux, nous avons fait de nombreuses propositions et nous ne pouvons que soutenir la France si elle s’en empare et les fait avancer à la table du Conseil.

Concernant les questions économiques et monétaires, la révision du pacte de stabilité et de croissance a été évoquée. L’accent a été mis sur les investissements mais l’ambition affichée est floue. Nous attendons, dès lors, plus de précisions.

Dans les oublis coupables – faute de temps, ou parce que ces sujets ne sont pas importants pour Emmanuel Macron ? – notons que rien n’a été dit sur la transparence fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale ; rien sur les inégalités, la pauvreté, le sans-abrisme et les déséquilibres sociaux ; rien sur les ressources propres, pourtant indispensables pour rembourser les fonds du Plan de relance. Rien sur la suite de celui-ci, pourtant nécessaire pour rendre nos modes de vie compatibles avec la vie sur terre en luttant véritablement contre le dérèglement climatique.

Enfin, c’est un classique à chaque présidence française, nous dénonçons avec force l’instrumentalisation des questions migratoires qui se prépare, avec le retour d’un débat sur Schengen. Le seul sujet doit être de doter l’Union européenne de règles claires sur l’asile et la migration.

Nous jugerons la présidence française à l’aune de ses résultats, au-delà des belles paroles que l’on entend depuis le discours de la Sorbonne et des effets de manche, comme au début du quinquennat sur la révision de la directive détachement des travailleurs.