Pierre Jouvet, eurodéputé membre de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs
François Kalfon, eurodéputé membre de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs
Après le scandale de la vente de produits pédopornographiques sur Shein, AliExpress, Temu et Wish, nous avons obtenu un débat d’urgence en plénière début novembre et le vote d’une résolution cette semaine au Parlement européen sur la protection des consommateurs de l’Union européenne face aux pratiques de certaines plateformes de e-commerce. Mettre ce sujet à l’agenda européen, malgré les réticences, est une première victoire politique.
Pour nous, et contrairement à l’extrême droite qui fait le jeu des plateformes chinoises, la sécurité des mineurs n’est pas négociable. La mise en vente d’objets pédocriminels et de produits manifestement illégaux constitue une violation grave du droit européen. Elle révèle aussi l’ampleur d’un problème plus vaste : l’arrivée massive sur le marché européen, via les plateformes de e-commerce non européennes, de produits dangereux, non conformes ou illicites. Face à ce défi européen, une majorité d’eurodéputés éclairés se mobilise pour mettre un terme à ces pratiques illicites. Nous, députés européens de la délégation française S&D, nous engageons à faire de notre mandat un combat pour les producteurs et travailleurs européens, et les consommateurs.
Ce scandale est révélateur d’un modèle économique toxique
Le cas Shein n’est pas un accident isolé mais le symptôme d’un modèle économique construit sur la vitesse, la surconsommation et le contournement systématique des règles. Les enquêtes des autorités nationales et des organisations de consommateurs montrent qu’une part importante des produits vendus par les grandes plateformes non européennes ne respectent pas les normes de sécurité de l’UE et présentent des risques sérieux pour les consommateurs.
Derrière les prix artificiellement bas se cachent des réalités inacceptables : travail sous-payé, violations potentielles des droits humains, greenwashing, imitation illégale du travail de créateurs, mise sur le marché de produits non conformes et accumulation de déchets. Ce modèle fragilise les entreprises européennes qui respectent les règles, investissent dans la qualité et la sécurité et produisent sur notre territoire.
Ce scandale met également en lumière les faiblesses actuelles des contrôles douaniers et de la surveillance du marché de l’ensemble de l’Union européenne, face à l’explosion des colis de faible valeur expédiés directement depuis des pays tiers, en particulier la Chine.
Le DSA donne des outils puissants : il faut maintenant les utiliser
Le débat en plénière a constitué une étape cruciale : en mettant ce sujet à l’ordre du jour, le Parlement oblige la Commission à passer d’échanges diplomatiques à une véritable stratégie d’application du droit.
Le cadre européen est solide. Pourtant, les procédures restent trop lentes et trop timides.
La délégation française du groupe S&D a participé à la formulation de demandes fortes dans la résolution du Parlement européen, votée aujourd’hui et défend les priorités suivantes :
- Suspension immédiate des plateformes en cause le temps des enquêtes – le Parlement a rappelé que la suspension des opérations d’une marketplace ne doit plus rester une mesure théorique et exceptionnelle à n’activer qu’en dernier recours, mais bien devenir un outil concret en cas de manquements graves et répétés.
- Sanctions financières exemplaires et procédures DSA ciblées
- Renforcement des contrôles douaniers et de la surveillance du marché
- Responsabilité renforcée des plateformes et des vendeurs non européens
- Protection des consommateurs et des entreprises européennes
Concernant les enquêtes en cours contre plusieurs plateformes et dont la lenteur empêche toute prise de sanctions, Pierre Jouvet et la délégation française du S&D exigent la transparence sur les raisons de cette inefficacité et soutiendront la mise en place d’une commission d’enquête du Parlement européen pour mettre à jour les freins à la mise en oeuvre du DSA.
L’Europe doit protéger ses citoyens face aux plateformes chinoises
C’est simple, basique : une plateforme qui commercialise des objets pédocriminels et des armes prohibées n’a pas sa place sur le marché européen. Protéger les mineurs et garantir la sécurité des consommateurs est un devoir absolu. Protéger les entreprises qui respectent les règles, produisent en Europe et ne recourent ni au travail forcé ni aux produits dangereux est un impératif économique et politique.
Avec ce débat d’urgence et cette résolution, le Parlement envoie un message clair : la naïveté est terminée.
Aux plateformes de e-commerce qui bafouent nos lois, l’Europe doit opposer ce principe simple : pas de respect des règles européennes, pas d’accès au marché européen.
Notes aux rédactions – Rappel du cadre européen existant
- le règlement sur les services numériques (DSA) permet de retirer les produits illégaux, d’imposer des sanctions financières dissuasives et, en cas de violations répétées et graves, de suspendre l’accès d’une plateforme au marché européen ;
- les règles sur la sécurité générale des produits, la surveillance du marché, la protection des consommateurs et le code des douanes de l’Union fixent des obligations claires pour les plateformes en ligne et les vendeurs établis dans des pays tiers.