Le Parlement européen a désavoué aujourd’hui clairement la candidature de l’Espagnol Luis de Guindos – un politique, ardent défenseur de l’austérité et de la rigueur – à la vice-présidence de la Banque centrale européenne (BCE). Il a remporté le vote par 331 voix pour et 306 contre, mais il faut tenir compte des 64 abstentions.

Les membres de la délégation socialiste française au Parlement européen ont voté, avec le groupe S&D, contre cette candidature.

Sur la personnalité :

Ancien agent de la banque Lehman Brothers, qu’il a quittée juste avant une faillite qui a précipité le monde dans une crise économique dont nous nous remettons tout juste, le profil de Luis de Guindos n’est pas le bon. C’est un serviteur de la finance prédatrice, responsable « et en même temps » des subprimes et des politiques d’austérité menées en Espagne. Qui plus est, ministre espagnol des finances depuis 2011, sa désignation créera un conflit d’intérêt sans précédent au sein de cette institution et sapera, de façon certaine, l’indépendance de la gouvernance de la BCE d’autant plus que lors de son audition, il s’est révélé incapable de répondre aux députés qui l’interrogeaient sur la politique monétaire.

Sur la procédure :

Les chefs d’État et de Gouvernement ont régulièrement le mot « démocratie » à la bouche. La Troïka en Grèce devait être un lointain souvenir. Pourtant, à la première occasion, c’est le retour du business as usual : tout se décide sans les citoyens et leurs représentants ! Les Européens méritent un débat public, pour la présidence de la Commission européenne, pour la présidence du Parlement européen comme c’est déjà le cas, mais aussi pour choisir qui doit présider la Banque centrale européenne. A la suite de petits arrangements entre ministres des finances de la zone euro, le second candidat, comme dans l’affaire Selmayr, a du retirer sa candidature, laissant le Parlement européen avec un seul choix alors qu’il avait clairement marqué sa préférence pour l’autre candidat.

Les citoyens ne comprennent pas, à juste titre que la BCE ne soit pas composée grâce à une procedure de nomination pleinement démocratique et transparente, alors qu’elle a, par son action, un impact direct sur leur vie.

Sur la suite :

Cette nomination ouvre le grand mercato qui va secouer les capitales et Francfort d’ici à la fin 2020. Rien qu’au sein de l’organe exécutif de la BCE, pas moins de quatre des six membres du directoire vont arriver au terme de leur mandat. Ainsi, dans le grand jeu de chaises musicales l’accession de Luis de Guindos à la vice-présidence fait ressurgir le nom de Jens Weidmann comme successeur possible de Mario Draghi à la tête de la BCE. Un tel scénario serait lourd de conséquences pour les Européens : ce faucon a ouvertement critiqué la ligne du président actuel. Ce n’est pas parce que la zone euro va mieux que l’on peut prendre le risque de le nommer à la tête de la BCE pour huit ans en faisant le pari que l’on aurait moins besoin d’une politique monétaire accommodante… Le durcissement monétaire rapide promis par ces seules personnes pourrait renforcer les inégalités en Europe de façon dramatique. Les membres de la délégation socialiste française s’y opposeront farouchement et appellent les autorités françaises à faire de même.