Cette semaine devait s’ouvrir à Genève la 12e conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; une réunion potentiellement cruciale pour changer d’échelle dans la lutte contre le COVID-19 avec à l’ordre du jour la question de la levée temporaire des brevets sur les vaccins. Or comble de l’ironie : cette rencontre, qui avait déjà connu un report au plus fort de la pandémie, a été une nouvelle fois repoussée à cause du variant Omicron.

Dès le mois d’octobre 2020, le Parlement européen s’est mobilisé en faveur de la levée des droits de propriété intellectuelle pour les vaccins contre le COVID-19, ainsi que pour les produits qui y sont liés. Cette mobilisation sans précédent a donné lieu à un vote au mois de juin 2021, appelant le Conseil sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC), structure dédiée à l’OMC, à lever les brevets sur les vaccins. Nous faisions ainsi écho aux demandes de l’Inde et de l’Afrique du Sud, soutenues par l’administration Biden.

Pourquoi une telle demande ? Déjà, nous l’écrivions à l’époque : « parce que personne ne sera à l’abri tant que le monde entier ne sera pas vacciné, lever les brevets sur les vaccins est aussi rentable économiquement que juste moralement. L’objectif de l’humanité doit être d’éradiquer coûte que coûte ce fléau le plus rapidement possible, et notamment d’empêcher l’apparition de nouveaux variants. Maximiser la production et vacciner l’ensemble des populations, c’est là l’unique voie possible d’une véritable sortie de ce cauchemar ».

Six mois après, l’actualité nous donne tristement raison : un nouveau variant du SARS-CoV-2, B.1.1.529, plus connu sous le nom d’Omicron, se propage rapidement. Si ce variant est à ce stade seulement classé préoccupant, et que peut-être de nouvelles études viendront in fine démontrer qu’il est moins agressif, la logique de son apparition et de sa diffusion vient confirmer l’urgence d’une levée des brevets.

L’humanité a su éradiquer de nombreuses maladies, et contrecarrer des virus. Pour y parvenir, nous avons la méthode : les gestes barrière avec notamment le masque et le lavage régulier des mains. Mais aussi se vacciner. C’est pour cette raison que nous appelons, une nouvelle fois, à cesser l’hypocrisie qui consiste à regretter que tout le monde ne soit pas vacciné sans agir suffisamment pour que cela advienne. Il est temps de rendre la vaccination accessible, gratuite et obligatoire, en France, en Europe, et dans le Monde. Les disparités sont en effet dangereuses pour chacun, qu’elles soient intra-européennes – si 67,7 % de la population européenne est ainsi couverte, nous sommes sous les 30 % en Bulgarie et en Roumanie et à plus de 86 % au Portugal – ou globales. À ce titre, nous ne pouvons pas accepter que les pays riches aient déjà administré davantage de doses dites « booster » (troisième dose) que les pays en développement n’ont administré de première dose. Autre exemple marquant de ces inégalités : la Suède a reçu à elle seule 9 fois plus de vaccins Pfizer que l’ensemble des pays à bas revenus réunis.

Certes, le dispositif COVAX existe : nous venons de voter un budget rectificatif permettant d’ajouter 200 millions de doses aux 250 millions déjà promises. Mais il faut être honnête : c’est largement insuffisant. C’est pour cette raison que nous appelons une nouvelle fois à respecter le vote du Parlement européen – qui vient de réitérer sa demande – en faveur d’une levée temporaire des brevets afin de permettre une utilisation maximale des capacités de production disponibles dans les pays en développement disposant d’une industrie pharmaceutique.

Sans cette décision de bon sens, c’est un lourd tribut qui sera encore payé au virus. Sauver des vies plutôt que des dividendes, voilà notre programme. Il est temps que la Commission européenne et les chefs d’État et de Gouvernement européens portent cette même parole et permettent aux pays du Sud de produire les vaccins dont nous avons tous besoin. S’entêter par dogmatisme à défendre les brevets et des accords de gré à gré au bon vouloir des grands labos serait faire preuve d’irresponsabilité !