Les agriculteurs français expriment, à leur tour, comme leurs confrères européens, leur colère légitime face à trois injonctions contradictoires : être compétitifs face à une concurrence mondiale souvent déloyale ; nourrir les Européens pour assurer la souveraineté alimentaire ; et produire autrement pour préserver la santé et l’environnement et lutter contre le changement climatique, dont ils sont les premières victimes.
Soyons clairs : les agriculteurs et agricultrices sont les victimes du libéralisme, pas du Pacte Vert européen, ni des Ukrainiens.
« En-dehors du prix des carburants qu’ils utilisent, le pacte vert européen n’impacte pas les agriculteurs puisque les textes qui les concernent ont, soit, été rejetés, soit, ne s’appliquent pas encore » explique l’eurodéputé socialiste Christophe Clergeau en charge des sujets agricoles et environnementaux.
« Ce qui pose problème, ce sont les accords commerciaux internationaux qui organisent le libre-échange et la mise en concurrence des agriculteurs et agricultrices sans imposer aux produits importés les règles sociales et environnementales qui existent en Europe. Ce qui pose problème, c’est la PAC (Politique Agricole Commune) qui a été vidée des nécessaires outils de régulation des marchés et ne soutient pas assez la transition écologique ».
« La nouvelle PAC de 2023, les libéraux macronistes, la droite et l’extrême-droite l’ont votée comme un seul homme. Nous, eurodéputés de la gauche sociale et écologique, non, car elle n’était pas assez protectrice pour les agriculteurs ! Nous l’avons combattue comme nous avons combattu tous les accords de libre-échange. Qu’ils ne jouent pas aujourd’hui les pompiers pyromanes, leur crédibilité est nulle pour répondre à la crise agricole. » explique Christophe Clergeau au nom de la délégation de la gauche sociale et écologique au Parlement européen.
« Nos agriculteurs sont essentiels, nous devons les protéger et les soutenir :
– Un pacte de production européen. Nous devons produire en Europe l’essentiel de l’alimentation dont nous avons besoin, au plus près des consommateurs dans nos régions. Pas produire pour produire, mais produire pour nourrir en respectant l’environnement et la qualité de l’alimentation. C’est cet objectif de souveraineté alimentaire qui doit être mis au cœur du pacte de production. Nous voulons par exemple une préférence européenne et locale dans les marchés publics pour la restauration hors domicile (écoles, entreprises, hôpitaux, …)
– Un revenu décent pour nos agriculteurs ! Nous voulons réguler les marchés et donc les prix. Il est inacceptable que les agriculteurs et agricultrices ne puissent vivre de leur travail, que la valeur qu’ils produisent soit captée par l’industrie agroalimentaire et la distribution, au détriment également des consommateurs qui subissent la hausse des prix.
– Non au dumping social et environnemental ! Comment se fait-il que le prix minimum du blé en Europe soit de 101€/tonne alors qu’aux États-Unis, les producteurs sont assurés de toucher 202$/tonne grâce à des subventions qui compensent les baisses de prix ? Nous nous opposons aux traités de libre-échange qui créent une concurrence déloyale de produits qui ne respectent pas nos propres normes de production.
– Défendre une agriculture familiale et paysanne en refusant la fuite en avant de l’agrandissement des fermes qui détruit les emplois, pousse au surinvestissement et épuise les agriculteurs et agricultrices. Il faut encourager et soutenir l’installation des jeunes, qu’ils viennent ou non du monde agricole.
– Accompagner la transition écologique et assurer un soutien public pour les services rendus à la société. L’Europe ne peut exiger des agriculteurs et agricultrices qu’ils s’adaptent sans les soutenir financièrement. Pour la sortie des pesticides comme pour changer les modes de production, cela demande des investissements publics conséquents. En plafonnant en France les aides aux plus grandes exploitations, on pourrait d’ores et déjà mobiliser des financements pour aider les autres à évoluer. » propose Christophe Clergeau.
« Reconstruire la souveraineté alimentaire de l’Europe est urgente, cela passe par davantage de mécanismes de régulations dans la PAC. Cela passe aussi par l’inclusion de l’agriculture dans la taxe carbone aux frontières comme le Parlement européen l’a demandé, avant de se le voir refuser par le Conseil des chefs de gouvernement ».
« Le changement de modèle et la transition écologique de l’agriculture sont incontournables, pour notre environnement et le climat, mais également pour notre santé et celle des agriculteurs qui sont les premières victimes des pesticides ».
« Nos pensées vont bien évidemment à l’agricultrice et à sa fille qui ont perdu la vie en marge d’un point de rassemblement à Pamiers. La colère qui s’exprime actuellement doit être entendue, mais les formes de violences qui l’accompagnent comme l’explosion des bâtiments administratifs de Carcassonne reste inadmissible. A quatre mois des élections européennes, il est plus que jamais temps que s’ouvre un débat ouvert à toutes et tous, structuré, argumenté et basé sur les propositions des différents syndicats agricoles. Après 30 ans de néolibéralisme, exigeons une nouvelle PAC ! Pour mener ce débat nous en appelons à des assises nationales et européennes de l’alimentation et de l’agriculture, en Europe, en France et dans chaque région et département » conclut Christophe Clergeau.