Le système de financement pluriannuel de l’Union européenne (UE) est à bout de souffle, il faut le réformer. C’est la première leçon que l’on doit tirer du Conseil européen des 7 et 8 février, qui a réduit le budget pour la période 2013-2020 à 1 % du PIB, alors que l’Europe s’enfonce dans la récession et nourrit les populismes.

Ce système est absurde : à un an des élections européennes de 2014, qui désigneront pour cinq ans un nouveau Parlement et une nouvelle Commission, le Conseil et le Parlement -élu en 2009-, sont invités à décider ce que seront les budgets de l’Union pour les sept prochaine années ! Alors que nul ne sait si la Grande-Bretagne sera toujours des nôtres, ni si l’Union à 28 – avec la Croatie- ne sera pas devenue une Union à 30.

Le budget pluriannuel doit être voté pour cinq ans, en début de chaque législature, par le Conseil et le Parlement nouvellement élu.

Ce système est désagrégateur : il pousse à l’affrontement des intérêts nationaux les plus étroits, au détriment de l’intérêt général européen. L’essentiel des ressources provient des contributions nationales des Etats membres. Parmi ceux-ci, certains sont eurosceptiques et souhaitent, par principe, réduire le budget européen au minimum. D’autres s’estiment trop taxés et veulent aussi abaisser leur quote-part. D’autres enfin, sont surendettés et mis en demeure par la Commission et les marchés financiers de rétablir au plus vite l’équilibre de leurs comptes. On comprend qu’ils aspirent également à réduire leur effort.

La conjonction des trois tire le budget européen vers le bas. Chacun exige de recevoir de l’Union autant qu’il lui a versé et si possible davantage. C’est le mécanisme du « juste retour », armé en son temps par Margaret Thatcher.

Il faut réformer ce système et promouvoir des modes de financement qui ne dépendent pas des gouvernements des Etats membres : développer des « ressources propres ». C’est l’une des quatre exigences avancées par les présidents des groupes parlementaires européens, comme condition à l’approbation du « cadre financier pluriannuel », soumis au vote des députés en juillet 2013, et sans doute la principale.

Parmi les propositions en débat, certaines sont déjà sur les rails: c’est le cas par exemple de la taxe sur les transactions financières, soutenue par onze Etats membres, dont l’Allemagne. Elle devrait entrer en vigueur dès janvier 2014 sur le mode d’une « coopération renforcée » et rapporter 35 milliards. C’est aussi le cas des obligations européennes dédiées à des projets -les Europrojects- visant à cofinancer les grands programmes européens d’infrastructure et de transition énergétique. Dans le « Pacte de croissance » adopté à l’instigation de François Hollande en juin dernier, 4 milliards d’euros sont consacrés, via la Banque européenne d’investissement, à lever des telles obligations, à titre expérimental. Il faut passer de l’expérimentation au développement à grande échelle.

D’autres propositions, étudiées de longue date par les services de la Commission, sont remises sur la table. Il en est ainsi de la TVA européenne (1% ajouté à la TVA perçue par les Etats); de l’impôt européen additionnel sur les sociétés; du prélèvement d’une partie des revenus générés par la bourse d’échange des quotas d’émission de CO2; de diverses taxes : sur les transports aériens, sur le tabac et l’alcool, les jeux en ligne…

A quoi certains ajoutent la ressource spécifique que fournirait le budget de la zone euro, si d’aventure il voyait le jour.

Toutes ces « ressources propres » ne sont pas également réalistes. La mise en œuvre des plus opérationnelles d’entre elles permettrait toutefois d’émanciper le budget de l’Union des budgets nationaux et de leur logique de rabais, d’exceptions, et de juste retour.

L’Union européenne ne manque pas de projets pertinents et ambitieux, elle manque des moyens de les financer.

C’est pourquoi l’Europe de l’énergie, du haut débit, de la Recherche, des biotechnologies, des nouveaux matériaux, des transports propres et multimodaux, etc. reste pour l’essentiel dans les dossiers, au détriment de la croissance.

Or sans retour à la croissance, rien n’est possible en Europe : ni le désendettement des Etats en difficulté, ni le redéploiement de nos sociétés vers les industries d’avenir, ni leur transition vers l’économie verte.

« En l’état, nous ne le voterons pas », ont déclaré au sujet du budget les présidents des principaux groupes parlementaires européens. Nous avons quatre mois pour améliorer le compromis décevant des 7 et 8 février. Et en particulier, pour obtenir de nouvelles ressources propres.