Dès la première page du texte de la Commission sur la transition publiée aujourd’hui (14 janvier 2020), la nouvelle Commission rappelle l’ampleur des besoins pour financer la transition écologique : elle rappelle que la Commission Junker estimait déjà qu’il manquait « chaque année 260 milliards d’euros d’investissements » pour baisser de 40 % les émissions de CO2 d’ici 2030. A ce chiffre, elle ajoute un besoin de « 100 [à] 150 milliards pour répondre à d’autres objectifs environnementaux » (biodiversité, gestion des ressources…) et « 142 milliards pour répondre au besoin d’investissement dans les infrastructures sociales ».
Il manque donc, au minimum, 500 milliards d’investissements par an pour financer la transition écologique et sociale en Europe. Ce d’après la Commission européenne elle-même ! Et ce, en gardant un objectif de baisse des émissions de CO2 limité à 40 %. Alors même que la nouvelle Commission a été élue sur la promesse d’un Green Deal plus ambitieux. Le Plan dévoilé aujourd’hui n’est pas donc à la hauteur pour financer ce gigantesque chantier.
Quant au Fonds de Transition juste, nouvel outil introduit par la Commission Von der Leyen, il est doté de seulement 7,5 milliards sur 7 ans… A peine plus d’un milliard par an ! Cette faiblesse du budget est justifiée par l’effet de levier qu’espère susciter la Commission. Or l’incitation des acteurs privés est considérablement réduite lorsqu’il est question d’isolation des bâtiments ou de transformation du modèle agricole.
Ce Plan est un premier pas. Il ne saurait suffire en l’état. En ce sens, nous soulignons que la Commission envisage elle-même d’augmenter les financements après l’été 2020, lorsque l’ambition pour 2030 aura été officiellement revue à la hausse.
« Le financement du Green Deal européen n’est pas seulement gage d’efficacité, il est gage de crédibilité pour la Commission européenne. Les citoyens d’Europe, du monde, appellent à un changement de la marche économique pour respecter la finitude de la biosphère et lutter contre les inégalités. Il en va de la confiance qu’ils accorderont aux institutions qui les gouvernent », déclare Aurore Lalucq, eurodéputée et rapportrice du Semestre européen 2020, instance qui sera incontournable dans le changement de cap que les politiques économiques européennes devront faire.
« Quelle est vraiment notre ambition ? Si nous voulons vraiment avoir une grande ambition, nous devons avoir un grand budget », affirme Pierre Larrouturou, eurodéputé et Rapporteur général du Budget 2021. « Ursula von der Leyen aime citer JF.Kennedy (We choose to go to the Moon) mais Kennedy ne s’est pas contenté d’un discours : il a pris une décision politique forte et le budget de la NASA a été multiplié par 15 en 5 ans. De même, le Green deal est un hommage au New deal de Roosevelt. Pour financer son New deal, qui a redonné un emploi à des millions d’Américains, Roosevelt n’a pas eu peur de tripler l’ensemble du budget fédéral, en mettant en place une fiscalité à la hauteur des enjeux ».
Saluons l’ouverture de la Commission pour des financements plus élevés, une fois que l’ambition pour 2030 aura été rehaussée. Mais il faut faire les choses dans l’ordre : il est en effet crucial de convaincre les États membres avant l’été de revoir leur ambition à la hausse, à temps pour lancer une dynamique positive avant la COP26. La meilleure manière d’y arriver, c’est de leur montrer, sans attendre, qu’il est possible de financer cette ambition, sans augmenter la contribution des États membres ni les impôts sur les citoyens.
Et c’est possible : la Banque Centrale Européenne a, chaque mois, 100 milliards € à investir. Pourquoi ne pas les injecter dans la banque du climat ? Un impôt européen sur les bénéfices pourrait mobiliser 100 milliards € par an, et une taxe sur le kérosène, jusque 27 milliards… Les options sont nombreuses pour un financement sérieux du Green Deal.
Avec les feux qui ravagent l’Australie, tout le monde comprend en Europe qu’il est crucial de réussir le Green deal. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Rien ne serait pire qu’un Green deal sans vrai financement. Nous allons tout faire, dans les 6 prochains mois, pour que l’Europe se dote de nouveaux outils pour financer la bataille du Climat.